On avait laissé OOMPH! il y a quatre ans, avec le bien nommé XXV qui sortait pour les vingt-cinq ans du groupe et continuait à creuser plus ou moins le même sillon que depuis dix ou quinze ans, avec un savoir-faire cependant certain : à défaut de reconquérir ceux qui ont fini par se lasser, OOMPH! offrait à ses fans ce qu'ils ont envie d'entendre. Ritual, lui, arrive avec une promesse toute autre : celle de renouer avec une forme d'agressivité, une colère que l'on croyait éteinte. Allons-y donc.
En effet, Ritual envoie la sauce dès les premières secondes. Tausend Mann und ein Befehl commence fort, la batterie nous saute à la gorge et Dero Goi éructe avec une rugosité que l'on avait oubliée, tendant probablement un miroir au monde actuel. Mais n'en faisons pas trop non plus : avec son refrain fédérateur, ses chœurs discrets, son solo gémissant et sa production irréprochable, jamais on ne retrouve l'odeur de souffre, la crasse et la violence du OOMPH! du début des années 90, celui qui a inspiré tant d'artistes. L'espérer était à la fois vain et d'un passéisme douteux : les artistes évoluent, le monde change, c'est la vie. Stagner dans le passé, quelque-part, c'est refuser la vie et un retour strict au son des débuts aurait été grotesque. Oui, les riffs de guitare y sont plus mordants (TRRR-FCKN-HTLR, le titre le plus méchant de l'album), oui c'est en apparence moins mégalo que XXV. Ce que propose OOMPH! avec Ritual apparaît néanmoins rapidement comme une espèce de synthèse de leur carrière, entre explosions de colère (très maîtrisée, faut pas déconner) et envolées symphoniques : s'ils évitent l'auto-parodie du "retour aux sources", ils ne proposent rien de nouveau non plus. Fort d'un savoir-faire artisanal certain, OOMPH! enchaîne les titres accrocheurs, facile à écouter et à apprécier d'où se distinguent quelques fulgurances (Achtung Achtung, la voix gutturale de Pheonix aus der Asche) et, il est vrai, plus de noirceur. Mais ça ne suffit pas.
Chefs de file d'une scène Neue Deutsche Härte dont ils font partie des initiateurs, ce que propose OOMPH! aujourd'hui est à l'image de ce que propose le genre : une succession de morceaux interchangeables qui roulent des mécaniques sans ne jamais vraiment mordre, où tout se ressemble, rien ne dépasse, rien ne gratte, trop soucieux de caresser dans le sens du poil un public acquis à la cause. Les morceaux tiennent tous en moins de quatre minutes et demi pour pouvoir entrer dans des cases radio et oui, c'est bien exécuté, la voix de Dero est impeccable, comme d'habitude. Mais quel ennui ! Dressons la liste : on a droit aux clichés éculés (oh, tiens si on faisait du metal industriel bien martial en collant des sons de bottes sur Truemmerkinder ?), aux envolées lacrymales niaises pour faire pleurer dans les cours de récré (Seine Seele), au featuring avec Chris Harms de LORD OF THE LOST, autre star du genre et partageant le même goût pour le packaging soigné... OOMPH! ne nous épargne rien et nous laisse pas beaucoup plus à nous mettre sous la dent. Le pire dans tout ça, c'est que même si c'est agaçant, les épaisses ficelles qui tissent Ritual ont tant fait leurs preuves que ça fonctionne forcément, à condition d'écouter un titre isolé ici ou là. On est peut-être durs, mais mettons-ça sur le compte de la lassitude : cet album, en fait, avant même de l'avoir écouté en entier, on l'a déjà entendu 50 fois. Ce qui ne l'empêche pas de bien passer en fond. C'est le truc qui, comme un sapin qu'on suspend à son rétroviseur, réussit à dégager une impression de fraîcheur normalisée et aseptisée rassurante alors qu'on sait très bien à quel point il est en fait flétri. Finalement, c'est peut-être quand OOMPH! se lâche et assume des tendances plus fun qu'on les préfère aujourd'hui, loin des postures "gros-yeux-très-méchants" auxquelles on a beaucoup de mal à croire.
Le contenu de Ritual se compare aisément à sa pochette qui essaye d'être effrayante et primitive mais ressemble au photoshoot "dark" moyen : bien trop complaisant et soucieux de soigner son image au détriment du fond pour qu'on s'en souvienne. Ce n'est pas forcément désagréable, mais l'exercice est bien trop superficiel, vain et narcissique pour dépasser l'anecdote. Aucun doute, ça va cartonner.