Nihilist Notes (And the Perpetual Quest 4 Meaning in Nothing) avait été annoncé un peu plus tôt par l'EP La Fleur du Mal (chronique) : pour son nouvel album, ORDO ROSARIUS EQUILIBRIO affectionne toujours les titres à rallonge mais prévient : l'évolution sera plus sombre et oppressante. Au sujet de ce dixième album, le quatrième depuis leur signature sur le label Out of Line, le groupe explique que dans un monde où les idées de héros et de tyran n'ont jamais été aussi pressantes, où la désinformation est devenue le nouvel évangile et où le bien et le mal se retrouvent mitigés de nuances de gris, Nihilist Notes allume la dernière flamme d'espoir en nous emportant dans une quête perpétuelle de sens dans le néant.
Avec son intro en spoken-word et nuisances électroniques, ORDO ROSARIUS EQUILIBRIO assume son parti-pris de s'éloigner des mélodies séduisantes de ses œuvres les plus récentes, ce que les percussions et cornes de I Set Fire to Cathedrals (on prend la liberté de raccourcir un chouïa) viennent appuyer et rappellent les productions plus froides et industrielles du défunt label Cold Meat Industry. Ce sont d'ailleurs ces instruments (percussions, cornes) qui servent de colonne vertébrale à l'album aux dépens de guitares moins présentes, nous plongeant dans une ambiance martiale et apocalyptique où le minimalisme se fait également conquérant et belliqueux. Il se dégage de l'ensemble une forme de rigueur, d'austérité autoritaire mais aussi de théâtralité où chaque son résonne avec emphase solennelle, chaque mot tombe comme une condamnation à mort (Of all the Pearls we Cast to Swine, terrifiante). L'album atteint un sommet d'atmosphère oppressante avec Sing to my Enemies, and Those Who Did Not Make It, sur laquelle Thomas Martin Ekelund du groupe d'indus rituel TREPANERINGSRITUALEN apporte sa voix gutturale, donnant vie à une collaboration avec ORDO ROSARIUS EQUILIBRIO que l'on attendait depuis sa reprise de Nature Seeking Equilibrium en 2019. Menaçant et, dans sa retenue, grandiose : ça ne rigole pas.
Mais limiter ces Nihilist Notes à leur rigueur martiale serait passer à côté de toute l’ambiguïté, toute la subtilité du groupe. Il y a la voix de Tomas Pettersson qui nous berce de ses mantras tel un serpent prêt à mordre pour nous injecter son venin. Il dégage danger et séduction, souffle le chaud et le froid avec retenue et élégance. Des synthés apportent une intensité et une dimension cinématographique parfois épique (How I paint the World in Flames 4 You), parfois romantique (Never Shall the Stars be Touched or the Roses Fall) et une guitare discrète, ajoute un supplément de mélancolie avec ses gémissements flirtant avec un blues psychédélique (I set Fire to Cathedrals, with the Flame Inside my Heart, la poignante Every Fiend I Have lost and Friends Abandoned).
Au-delà de ses airs va-t-en guerre pessimistes, Nihilist Notes a aussi des allures de veillée funèbre, émouvante et sinistre avec tout l'aspect rituel qui va avec. C'est un album pour dire au revoir à ceux que l'on aime, mais aussi à ses ennemis. Théâtral et menaçant, ORDO ROSARIUS EQUILIBRIO a été bien inspiré de remiser les guitares au second plan et de laisser s'exprimer tout son pessimisme : le glacial et le martial sont réchauffés par de légères touches de sentiments plus humains et l'effet s'en retrouve décuplé. Soutenu par une production soignée qui sait donner aux impacts leur ampleur tout en respectant les moments plus intimistes, Nihilist Notes est un nouveau sommet dans la discographie des Suédois qui y trouvent une vigueur nouvelle, aussi putride et angoissante que rafraichissante.