Les albums de OTEP continuent d'arriver avec une régularité rarement troublée : tous les deux ans, parfois trois, la formation nu-metal nous garantit une bonne dose d'agressivité et de revendications politiques et sociales. Seulement voilà : Generation Doom, le dernier en date, était sortie quelques mois avant un gros chamboulement de la société américaine et l'arrivée au pouvoir d'un "traître et usurpateur" (ce sont les mots d'Otep Shamaya). Du pain béni pour OTEP qui a toujours été ouvertement engagé politiquement.
Difficile de ne pas penser au récent AmeriKKKant de MINISTRY dès le premier regard : une statue de la liberté détournée, un "K" qui remplace le "C" pour faire plus "Klan"... On devine que le disque n'a pas pour ambition de faire dans l'analyse particulièrement fine et que ça va être colérique. En fait, on se croirait carrément face à un costume sorti d'un American Nightmare et ce n'est pas pour rien : OTEP a besoin de "purger" et Halt Right donne le ton d'emblée. C'est rentre-dedans, rapide, méchant, énervé, y'a des gros riffs et Otep Shamaya nous balance ses slogans révolutionnaires à la gueule. Le groupe explique avoir utilisé le même matériel pour cet album que pour leur tout premier afin de proposer un son proche de celui de leurs débuts. Très vite, on comprend qu'on ne sera pas surpris comme on a pu l'être par Atavist, mais Kult 45 a aussi ce petit côté RAGE AGAINST THE MACHINE, aussi bien pour le fond que dans le son, tout à fait régressif et efficace qui nous flatte les tripes (c'est flagrant par exemple dans la construction de l'anti NRA Shelter In Place). Andrew Barnes, arrivé en 2016 à la basse, n'est probablement pas étranger à ce groove et quand Otep Shamaya braille "Bars and stars, Fuck your Flag" sur Molotov, on a envie de la rejoindre.
Les cibles de Kult 45 sont faciles à deviner, au-delà du lâche pervers aux capacités intellectuelles comparables à celles d'un enfant de trois ans un peu con, OTEP s'en prend à l'alt-right (Otep Shamaya demande d'ailleurs comment on peut être néo-nazi et se dire américain quand, historiquement, les USA ont botté le cul des nazis), l'homophobie, la culture du viol... Les paroles, elles, mettent l'accent sur le besoin de s'unir et de se soulever contre ces saloperies. Cette volonté d'unir explique peut-être le mélange des genres présents dans l'album, Undefeated et la féministe Boss assumant plus que jamais leurs penchants rap. Il faut dire qu'Otep Shamaya a le sens de la punchline qui claque et encore une fois Kult 45 est une mine d'or de ce côté. Ok, ce n'est pas subtil mais très franchement, on s'en fout. Les morceaux sont rapides, furieux, intenses : à l'exception de cette reprise de Wake Up de RATM, tout à fait pertinente dans le contexte de l'album, aucun titre n'atteint les quatre minutes. Certes, OTEP aère son propos de quelques transitions et accalmies (Be Brave arrive tard dans l'album pour vraiment jouer ce rôle), mais Kult 45 est un disque dense, lancé au 100 à l'heure qui ne fait jamais semblant d'avoir l'ambition de réinventer le son du groupe mais fait l'effet d'un ouragan.
Musicalement, on est bien forcés de constater qu'OTEP stagne un peu et ne propose rien de neuf en 2018. L'album tient sur son énergie, son agressivité et son ambiance révolutionnaire. C'était l'objectif initial et il est atteint. Plus cohérent que Generation Doom, Kult 45 est une furieuse décharge d'adrénaline qui peut aussi bien donner envie de tout casser qu'agacer, selon l'humeur. Particulièrement remonté sur le fond, OTEP continue de prouver avec sa musique que le neo-metal n'est pas mort avec les années 2000, préservant une fraîcheur et une sincérité sans compromis que peuvent lui envier un paquet de groupes de la même période.