Peter Tägtgren est un hyperactif, ce n'est pas un scoop. Depuis la sortie de You Only Live Twice en 2011, il a sorti un nouvel album avec HYPOCRISY, lancé LINDEMANN et produit des disques pour SABATON et CHILDREN OF BODOM. Mais il était temps de revenir aux affaires avec PAIN, qui, avec les années, est devenu plus que "le side-project du mec de HYPOCRISY". D'ailleurs, le titre de l'album, Coming Home, pourrait aussi bien s'appliquer à PAIN, ce foyer duquel Tägtgren est resté trop longtemps éloigné et auquel il revient enfin.
Il faut dire que LINDEMANN n'aura pas été ce qu'on attendait. La faute peut-être à deux artistes à l'identité forte qui n'ont pas su, ni l'un ni l'autre, sortir de leurs zones de confort, tout en se la jouant gros beaufs. Till faisait du RAMMSTEIN, Tägtgren faisait du PAIN, mais en moins bien : il manquait le mordant, il manquait l'emphase. Coming Home s'ouvre sur Designed To Piss You Off, et là, surprise ! You Only Live Twice nous avait habitués à des guitares plus présentes et des titres heavy, cette fois-ci on a droit à une entrée en matière très country industrielle, à la Jesus Built My Hotrod de MINISTRY. C'est rapide, relativement furieux, la voix criarde et hargneuse de Tägtgren fait plaisir à entendre, mais c'est surtout avec Call Me qu'on aura enfin l'impression de retrouver la maison. C'est comme enfiler ses pantoufles préférées. Il y a les gros riffs, il y a les éléments orchestraux qui donnent à PAIN sa théâtralité, le refrain reste en tête pour la journée et Joakim Brodén de SABATON vient faire coucou de sa voix grave et sinistre sur un refrain. On peut se demander si l'humour gras de LINDEMANN n'a pas débordé sur PAIN au moment de faire le clip, mais le groupe a toujours eu des morceaux plus légers, idiots et machos... A Wannabe reste dans le domaine du gros hymne fédérateur, PAIN fait dans l'efficace, et la recette est la même : refrains accrocheurs, mélange de grosses guitares, d'electro et de musique orchestrale pour donner au morceau un souffle épique qui le place parmi les plus mémorables du disque. Malgré son titre amusant étant donné le nom du groupe et ses paroles bien débiles, Pain In The Ass marque peut-être moins les esprits, sa frénésie est moins maitrisée.
Black Knight Satellite tombe alors à pic, avec sa mélodie travaillée et la mélancolie qu'il dégage. Après des morceaux plus bas du front, PAIN s'offre une pause plus pop, où Tägtgren renoue avec la misanthropie et les thématiques plus sombres de Dancing WIth The Dead ou Psalms Of Extinction. On atteint alors un sommet dans l'album puisque vient ensuite Coming Home, autre titre plus posé et nostalgique, plus touchant aussi. On ne dira jamais assez à quel point les mélodies sont importantes chez PAIN : très cinématographiques, elles donnent vie à la musique et en exaltent les sentiments. Alors forcément, une fois le sommet atteint, il faut redescendre... Absinthe Phoenix Rising (avec ses choeurs à la Hey Stoopid) et Natural Born Idiot sont loin d'être mémorables, bien qu'écoutables : PAIN n'échappe pas à ses petits travers et passe en pilote automatique le temps de pondre quelques morceaux moins inspirés. Mais la fin de Coming Home réserve encore deux moments forts. Le premier avec Final Crusade, sa rythmique martiale et son refrain à scander qui vient à nouveau nous squater le cerveau pour la journée, et enfin Starseed, avec son chant habité et sa mélodie désabusée qui conclue l'album sur une nouvelle note plus crépusculaire.
Peter Tägtgren semble renaître avec Coming Home. L'album alterne les moments légers à l'humour souvent graveleux et les passages plus sombres, misanthropes et cyniques, pour au final surprendre avec des passages mélancoliques plus introspectifs. Comme si le fait de s'éloigner un peu de PAIN, de ressortir un album de HYPOCRISY et d'aller faire le guignol chez LINDEMANN lui avait permis de recentrer PAIN et de s'y épanouir à nouveau. C'est en tout cas l'impression qui se dégage de Coming Home, un album abouti d'un artiste épanoui et maître de son sujet. Coming Home est un excellent disque pour faire la fête, mais c'est avec ses moments plus touchants, plus "matures", qu'il nous accroche et marquera nos esprits sur la durée.
Chronique | Pain - Coming Home
Pierre Sopor
12 septembre 2016