Il y a quelques années, PERTURBATOR se réinventait avec l'EP New Model et son virage plus sombre, plus angoissant, loin des synthés festifs et outranciers des premiers albums. Annoncé par James Kent comme un album inspiré notamment par la scène gothique des années 80, Lustful Sacraments s'annonçait dans la continuité de ce virage séduisant et salvateur qui prouvait que l'artiste avait encore des choses à dire.
Reaching Xanadu, intro menaçante et oppressante confirme ce virage plus "dark", toujours très cinématographique, avant que les références gothiques annoncées ne nous explosent aux oreilles. La brumeuse Lustful Sacraments a des airs de SISTERS OF MERCY et Excess, avec son rythme et son chant, sonne franchement post-punk. PERTURBATOR se reconnaît pourtant encore et toujours avec ses beats, ses nappes futuristes et ses évocations anti-religieuses et nous raconte ici l'histoire d'une ville où rien n'est interdit et où les habitants se laissent aller à tous leurs vices pour, au final, vouer un culte à la ville. Imaginez une soirée coldwave dans Blade Runner et vous aurez le tableau.
Très vite, on comprend que Lustful Sacraments se démarque de New Model : les mélodies y ont plus de place, l'ambiance y est moins glaciale et un chant grave, gavé de réverb pour assurer le côté sépulcral, se fait fréquemment entendre. Les morceaux sont aussi bien moins agressifs, malgré quelques soubresauts où les influences industrielles de Kent rejaillissent (Death of the Soul et surtout la magnifique Messalina, Messalina et sa deuxième écrasante tout en noirceur). L'ensemble dégage un sentiment de mélancolie qui, malgré ses influences 80's, sonne à la fois très moderne et très urbain, comme par exemple quand le spleen des banlieusards de HANGMAN'S CHAIR, avec qui Kent avait déjà collaboré par le passé, vient alourdir l'atmosphère de God Says en conclusion avec leurs guitares déprimantes et ce chant plaintif qui retourne les entrailles).
Lustful Sacraments n'est pas un album explosif. On est à mille lieux des délires bigarrées du PERTURBATOR des débuts. L'album semble plongé dans un épais brouillard dont il ne s'extirpe jamais, au risque peut-être de ne pas séduire dès la première écoute, l'absence de "tubes" pouvant perdre les amateurs de dancefloor. Avec son ensemble cohérent et homogène, mais assez varié pour que l'auditeur ne s'ennuie pas, Kent réussit à nouveau le pari de nous emmener dans de nouvelles directions, preuve d'une créativité bien vivace.