Le groin de Raymond Watts n'est jamais loin : le revoilà, tout pimpant et frétillant, avec un nouvel album à peine deux ans après The Merciless Light. Si entre temps nous avions eu droit à des ressorties d'anciens travaux (Candy l'an dernier et Sin, Sex & Salvation avec KMFDM plus tôt cette année), on peut enfin s'enfermer dans cette Red Room pleine de promesses.
Pour rappel, les "red rooms" sont un peu l'équivalent moderne des snuff movies : on trouverait sur le darknet des vidéos de tortures et de meurtres accessibles pour un prix exorbitant. Tout cela relève de la légende urbaine mais n'a pas manqué d'affoler les imaginations et probablement celle de Watts au moment de nommer son nouvel album... tout en adressant un clin d’œil peut-être involontaire au récent morceau The Dark Room. Claustrophobe, le cochon ? On a du mal à imaginer l'artiste enfermé dans un espace clos tant son extravagance jaillit dès un premier titre sur lequel Alexis Mincolla de 3TEEETH est invité. On comprend mieux ce goût soudain pour la lourdeur, pour le riff martial, ce sens de l'efficacité primitive, le refrain accrocheur : Crumbs, Chaos & Lies est le rouleau-compresseur idéal pour se mettre dans l'ambiance.
N'allez cependant pas imaginer que PIG a viré metal indus "à la Rammstein" : que nenni, Red Room est une nouvelle folie du crooner déviant, un album ludique et décomplexé comme lui seul en a le secret, au groove irrésistible et plein de chœurs entraînants (mirez donc le casting des fameux chœurs, on y retrouve entre autres Chris Connelly (Revco, Ministry), Emily Kavanaugh (Night Club), I Ya Toyah, Marc Heal (Cubanate) ou encore Burton C Bell (Fear Factory), une flopée de fidèles trop heureux de revenir patauger dans les flaques de boue en compagnie de "lard-tiste" le plus fou du genre). Le guitariste Jim Davies (ex-Pitchshifter et The Prodigy) est également très largement impliqué après avoir signé deux remixes sur The Merciless Light et, de l'aveu de Watts himself, a laissé des traces de doigts un peu partout sur l'album. Notons également que Chris Hall de Stabbing Westward et son chant plus lisse offre d'ailleurs un joli contraste aux vociférations de Watts sur Sick Man's Prayer.
PIG toujours aussi im-porc-tun : Red Room passe par l'extase religieuse ironique (le gospel décalé de Dum-Dum Bullet), la menace rampante, les refrains catchy jouissifs (Dirty Mercy et la guitare de l'ex-KMFDM Günther Schulz) le temps d'une grande messe blasphématoire aussi fun et délurée (l'hymne Slave to Pleasure et ses surprenants airs de Bowie) au cours de laquelle notre maître de cérémonie grogne et grince, passe du grotesque au séduisant avec toute l'exubérance qui le caractérise. Pourtant, si ses vociférations sont toujours aussi expressives et théâtrales, on sent chez PIG une certaine retenue, à l'image de l'étrange Does It Hurt Yet?, comme un plaisir pervers à faire monter la tension pour mieux nous embarquer quand enfin arrive la libération d'un refrain fédérateur.
Pourtant dans cette débauche porcine de péchés, PIG n'en oublie pas son élégance décalée de dandy déglingué, ces petites touches organiques à l'image du piano qui s'incruste fréquemment ou des cuivres sur PIG is at the Window, avec le jazzman Enrico Tomasso, un autre fidèle de la porcherie de Watts. Cette Red Room a indubitablement des murs de brique : c'est du solide et Raymond le cochon s'y amuse avec un plaisir communicatif ! Puisqu'il est dans l'air du temps de citer Orwell n'importe comment pour dire n'importe quoi, on peut donc conclure en disant qu'il avait, dès La Ferme des Animaux, prédit l'arrivée de Red Room : les cochons ont pris le pouvoir et désormais tout le monde aime sauter dans les flaques de boue !