Chronique | Pothamus - Abur

Pierre Sopor 13 février 2025

Du lourd, de l'hypnotique : avec Pothamus, les amateurs d'expérience mystique seront servis. Le trio belge sort Abur, son second album cinq ans après Raya, et son artwork déjà nous rassure sur un point : tout cela sent déjà le mystère à plein nez. On nous le présente d'ailleurs comme "un pèlerinage à travers la nature, l'animisme et les profondeurs de l'âme humaine" : voilà un disque qui s'écoute la lumière éteinte et avec un bâton d'encens !

Entrer dans le bon état d'esprit demande du temps et Pothamus n'est pas pingre quand il est question de jouer sur les durées. Ainsi, ce n'est qu'après deux minutes que Zhikarta hausse le ton, que cette basse épaisse se met à bourdonner et que la batterie intensifie ses assauts. Le trio soigne ses ambiances et manifestement ne partage pas que sa nationalité avec ses compatriotes d'Amenra : les deux cultivent ce même goût pour le spirituel, les plongées vertigineuses dans les abysses... et probablement pour les mantras psychédéliques de Tool, tiens ! De mantras, il est bien question ici, les musiciens ajoutent à leurs instruments le son du Surpeti (ou shruti-box).

Dans ses boucles répétitives, et avec un sens imparable du crescendo, Abur s'empare de son auditeur. Le temps n'a plus d'importance, on se laisse emporter toujours plus loin dans un univers fascinant auquel les percussions tribales donnent sa touche intemporelle. Les voix de Mattias M. Van Hulle et Sam Coussens se répondent et se heurtent alors que Pothamus associe élévation et secousses telluriques : c'est à la fois doux et rugueux, écrasant et immatériel. En se tournant vers le primitif, Pothamus touche à l'universel. On apprécie tout particulièrement une approche atmosphérique flirtant avec l'ambient / folk qui permet au groupe de se distinguer des habituelles références (Cult of Luna, Amenra, Neurosis, etc...) en allant taquiner la poésie et les complaintes de Wardruna (De-varium et ses brumes funèbres, magnifique) tout en y ajoutant sa patte incantatoire obscure à laquelle on ne résiste pas.

Au fur et à mesure, l'album dévoile toute son ampleur et prend des proportions intimidantes. Ses facettes ésotériques et ancestrales, la durée des morceaux, l'épaisseur du son... tout est fait pour nous donner l'impression de ruines labyrinthiques aussi immenses qu'ancienne, d'un temple perdu que l'on a le privilège d'explorer alors qu'alternent orages violents et contemplations introspectives (Savartuum Avur, à la fois mouvementée et méditative, ou le morceau-titre, puissant, sauvage et énigmatique). Chaque titre est un voyage, un monde à lui tout seul et Pothamus semble en apothéose à chaque instant. Abur est un monument immémorial, monolithique, un colosse de mystères d'une beauté intimidante.