En mai 2018, POTOCHKINE sortait un premier album éponyme relativement court qui leur permettait de faire découvrir une musique électronique dansante et poétique à la fois où se mélangent des influences new-wave, EBM et pop. Un an plus tard, le duo revient avec Mythes. Le temps des politesses timides est passé, cette fois-ci l'album contient vingt-sept pistes. C'est aussi généreux qu'impressionnant, mais aussi inquiétant à première vue : il faut pouvoir maintenir l'attention de l'auditeur sur la durée.
Avant de former un album à part entière, les morceaux de Mythes ont tout d'abord servi de bande-son à trois pièces de théâtre mises en scène par Ferdinand Barbet à la Comédie de Reims : Les Bacchantes, Narcisse et Salopards. Le metteur en scène devient ainsi un troisième membre de POTOCHKINE puisqu'on doit à sa plume les textes de Mythes. Cette rencontre des disciplines, loin d'être pure frime, confère une poésie nouvelle et puissante à la musique de POTOCHKINE. L'usage du français est maîtrisé à la perfection : que cette langue est belle quand on sait l'écrire et la chanter ! Dans la bouche de Polly Paulette, dont la voix souffle le chaud et le froid et capte l'attention comme rarement à la fois incisive, théâtrale, agressive, rêveuse ou blasée, c'est une réussite totale.
POTOCHKINE a toujours convoqué une forme d'onirisme dans son univers, quelque chose d'éthéré ici sublimé. Mais il ne faudrait pas que ces élans poétiques nous fassent oublier que la musique du duo a aussi pour but de nous faire remuer. Si vous les avez vus sur scène, vous connaissez leur énergie folle. Elle s'exprime ici au travers de pistes dionysiaques, forcément (La Fête de Narcisse), où les froides machines imposent un rythme soutenu qui sent parfois très fort les années 80 (L'Acacia).
Pourtant, ce qui fait de Mythes une oeuvre si marquante, ce n'est pas tant l'efficacité de ses hits en puissance que son ambiance générale bien plus hantée et mélancolique. POTOCHKINE, en composant cette bande-son, peut laisser libre cours à ses pulsions atmosphériques et cela donne quelques merveilles de noirceur, comme quand Némésis flirte avec le noise ambient en enchaînant les couches anxiogènes avant la parenthèse apportée par le piano épuré de Adieu Écho, belle comme des gouttes de pluie qui viennent mourir sur un carreau de fenêtre. Dans la Gueule du Loup, elle, ne jurerait pas au sein d'une compilation witch-house.
Au final, le voyage se termine d'une traite, sans baisse d'intérêt et avec l'envie d'y revenir. POTOCHKINE réussit un bel exploit en proposant un album long mais jamais indigeste, fascinant et accrocheur de bout en bout, original et riche sans être élitiste, où l'électronique n'empêche jamais l'expression des émotions humaines. C'est à la fois passionnant et séduisant. Des textures sonores jusqu'aux textes, tout est d'une élégance et d'une justesse rare. Mythes vous invite à une parenthèse contemplative, sans négliger des tendances dancefloors toujours présentes.