Au fil du temps, PSYCLON NINE a eu tendance à disparaître et réapparaître au fil des séparations, des pauses et des comebacks de Nero Bellum. Ces dernières années, une tendance se dessinait du côté de l'artiste : entre un Icon of the Adversary paru en 2018 qui assumait pleinement une orientation metal industriel, des escapades en solo où il expérimente avec des synthés modulaires et le duo qu'il forme avec Tim Sköld sur NOT MY GOD, Nero Bellum élargit ses horizons, enrichit son travail et semble même s'assagir d'une certaine manière. Dans ce contexte, on place en Less to Heaven de beaux espoirs, l'album sortant avec la promesse d'être varié, repoussant les frontières de PSYCLON NINE.
Les outrances et provocations tapageuses du groupe de dark electro des années 2000 paraissent effectivement bien loin dès Blood In et son intro au piano mélancolique qui mute vers quelque chose de plus lourd, menaçant et apocalyptique. On pense à Christalis, premier titre de son précédent album qui avait déjà des airs de Pinion de NIN : la tension monte, mais là où Nero la laissait exploser il y a encore quelques années, il joue ici avec nos nerfs et maintient une ambiance oppressante, feutrée et laisse les mélodies sinistres mener la danse, malgré quelques riffs bien épais sur le refrain de See You All in Hell. "There is no God" nous répète-t-il, mais semble cependant adresser une prière (peu catholique, évidemment) sur le titre suivant : "give us money, and sex, and death". De nouveau l'ambiance est opaque, lugubre, étouffante. Si les refrains renouent de nouveau avec le black metal industriel, PSYCLON NINE privilégie l'hypnose des rythmiques répétitives et la menace contenue dans des titres lo-fi à l'atmosphère réussie (dans un genre similaire, on vous recommande de jeter une oreille à CARRION, d'ailleurs). On pense souvent à l'efficace minimalisme de NOT MY GOD, à la fois théâtral et mystique, puissant et hanté : The Poison Will Deaden the Pain et Off With Their Head portent indubitablement en eux l'ADN de cet autre projet, pour le meilleur. Des chuchotements flippants, une électronique obsédante, des menaces rampantes et quelques guitares pour alourdir l'ensemble : la première partie de Less to Heaven est effectivement PSYCLON NINE sous son meilleur jour et dont le style aurait trouvé une forme d'apogée, hybridant ses diverses influences (metal extrême, industriel, aggrotech...).
Et puis, alors que l'on s'attendait à enchaîner des titres similaires à l'efficacité assassine, l'album nous surprend à nouveau avec les couplets de X's on Her Eyes : une voix claire et des émotions inhabituelles chez PSYCLON NINE. Douceur et tristesse ? Nero, même si tu ressors les crocs pour les refrains, on t'a vu mettre de l'eau (croupie) dans ton vin de messe. On ne juge pas, c'est même une bonne chose, et ce côté sensible continue de se dévoiler sur Catastrophic, balade sentimentale pleine d'un désespoir romantique. Dans sa deuxième partie, Less to Heaven nous embarque pour une virée apaisée, où l'abandon l'a emporté sur la rage et Bellum se permet de conclure avec deux morceaux ambiants quasi uniquement instrumentaux. La fin du monde a eu lieu, et quand arrivent les derniers instants de Blood Out, il ne reste plus rien, si ce n'est notre surprise d'avoir été autant trimbalé par un album de PSYCLON NINE.
Jusqu'à présent, on pouvait apprécier le projet de Nero Bellum pour son côté turbulent et exagéré, ses postures outrancières réjouissantes (ou agaçantes)... Avec Less to Heaven, PSYCLON NINE arrive à l'aboutissement d'une maturation artistique entamée il y a quelques années. Sans trahir l'essence du projet, l'album en propose la meilleure version tout en réussissant à l'emmener vers de nouveaux horizons. Les influences sont variées et se mélangent dans un ensemble cohérent où aucun morceau n'est en trop. Non seulement Less to Heaven est le meilleur album de PSYCLON NINE, mais c'est surtout un tournant significatif qui annonce un futur autrement plus riche et captivant pour le projet.