Avant de parler de Duality, le premier album de RACELESS, il faut faire le point sur la création du projet, né de la rencontre plutôt audacieuse et un peu farfelue de deux groupes aux genres musicaux assez éloignés. D'un côté, on a la violence du rap-metal-core de SMASH HIT COMBO et de l'autre, le groove du groupe d'electro-hip-hop-jazz LYRE LE TEMPS (dans le cas où ces noms ne vous dirait rien, on vous conseille grandement d'aller jeter une oreille à leurs discographies respectives, si tant est que vous soyez un peu ouvert en musique et pas juste cantonné à un style particulier). Si vous pensez que le mélange des deux univers ne pourrait pas fonctionner, continuez à lire car vous allez être surpris. Les deux formations alsaciennes ont en effet uni leurs forces et leur talent à se jouer des étiquettes pour produire un son unique, totalement fou et dénué de toute frontière.
Il suffit de passer Le crime parfait et son côté electro digne d'une bonne intro dubstep pour tomber dans le vif du sujet avec le titre Watch Me. D'emblée, la voix de Ry'm (LYRE LE TEMPS) nous accroche sur une instru metalo-raggae qui évoque immédiatement SKINDRED, et l'étau se resserre déjà sur nous : la curiosité est titillée et on veut en écouter davantage. Quelques secondes après, la voix de Maxime Keller (BOARS, SMASH HIT COMBO) vient s'ajouter au tout, et bien que le mélange de français et d'anglais puisse surprendre, il fonctionne très bien. Petit aparté sur les voix, globalement, même les réfractaires à la langue de Molière (dont je fais partie) ne devraient pas avoir de problème car sur Duality, les performances de Ry'm et Maxime (sans conteste une des meilleures voix du metal français actuel - je dis ce que je veux, c'est ma chronique !) sont EX-CEL-LEN-TES. On peut saluer le travail remarquable effectué et applaudir la prise de risque des deux chanteurs qui n'hésitent pas à sortir de leur zone de confort à plusieurs reprises. Sur Alzheimer (oui mamie, comme toi) et son côté ska-metal, ce constat est valable et les échanges en français restent bien en tête. Le morceau dispose d'un instru solide et festive accompagnée de cuivres qui font leur petit effet. On arrive sur la claque de l'album, Stratosphere, qui évoquera à certains SHAKA PONK mais qui bascule dans un mix de metal et de salsa, porté par le scream puissant de Maxime. On flirte avec les morceaux les plus barrés de SYSTEM OF A DOWN et Miami Hunt évoque lui aussi les morceaux multi-ethniques de Serj Tankian. Bien sûr, pour nous prendre à contrepied, le titre change à plusieurs reprises de rythme et nous balade aux travers de différentes influences avec ses couplets assurés par le rap de Maxime et ses refrains boostés à la double-pédale et aux riffs de guitare destructeurs. Après Entracte qui sert... et bien, d'entracte, l'album repart en douceur avec un Motherf*cking Swing où le style de SMASH HIT COMBO prend un peu plus le dessus mais avec toujours cette petite pointe funky sur les couplets rappés. Way Back to You bascule quasiment dans la G-Funk avant d'offrir un break bien bourrin qui tranche complètement avec le reste du morceau. Putain, mais qu'est-ce qu'on écoute là ? Histoire de nous achever, on bouscule encore les genres sur Trader Blues qui mêle wobble bass et beat façon dubstep au blues, voix de crooner incluse. Arrive enfin Froze Up, et si le morceau vous rappelle quelque chose c'est parce qu'il s'agit d'une reprise de Falls Appart du dernier album de SMASH HIT COMBO, L33t. Petit piano et grosses guitares s'emmêlent, guidés par les voix des deux chanteurs rejoints ici par le rappeur NLJ qui officiait déjà sur la version originale du morceau. On termine notre voyage sur Enjoy qui fait écho à l'intro Le Crime Parfait en ajoutant à la liste des références déjà bien longue un petit côté TRYO ou MATMATAH par moment.
RACELESS est un ovni, un projet créé par des amoureux de la musique au sens large qui ont décidé de proposer quelque chose de neuf, de frais, d'unique et de complètement taré. Il n'y a pas de dualité dans Duality, il y a une association de talents indéniables qui ont su coupler leurs univers et les rendre complémentaires. Bien sûr, ce métissage n'est pas à la portée de tout le monde et pourra rebuter ceux qui se figent dans un style de musique particulier. En revanche, les plus ouverts ne cesseront d'apprécier les qualités évidentes du projet et la perpetuelle surprise qu'il apporte à mesure qu'on avance dans l'album. Il n'y a plus qu'à espérer voir le groupe sur scène, ce qui serait sûrement un joyeux mais sacré bordel !