RETROSECT, épisode deux. Le duo français qui se définit comme "electro-cold" avait égayé les confinements de l'année 2020 avec son premier EP Le Désir et L'Ennui, aux slogans provocateurs sur fond d'un mélange de pop des années 80 et d'EBM ; deux ans plus tard, le groupe nous fournit donc un second EP où l'on reconnait instantanément son imagerie, À L'Envi (oui, c'est la graphie correcte). On est curieux de voir ce qu'ils nous réservent cette fois !
Ce nouvel opus s'avère très différent du précédent. Il n'est cette fois plus question des slogans trollesques qui donnaient son énergie à Le Désir et L'Ennui ; le chant d'Elsie Zaï, qui se fait maintenant appeler Supraqueen s'il vous plaît, est suspendu et fasciné, parfois chargé de cynisme mais plus tapageur. La même évolution affecte l'instrumental, où l'EBM et ses rythmes binaires sont en retrait au profit des mélodies portées par les nappes de synthétiseur analogique et le thérémine, envoûtantes et inquiétantes à la fois -à l'exception il est vrai de Nos Thérapies, où domine la boîte à rythme. On est ici sur un registre qui se rapproche davantage de la synthpop, en plus froide et rythmée cependant. C'est que les thèmes ne sont plus les mêmes : les paroles de À l'envi ne sont pas politisées comme l'étaient celles de Le Désir et L'Ennui ; si le cynisme et la provocation sont toujours affutées, leurs lames sont ici dissimulées dans des sujets plus personnels.
Nous voici donc en présence d'une pop paradoxalement froide et cynique ! On aime l'idée, et sa mise en œuvre s'avère tout aussi enthousiasmante : les compositions sont riches, on se laisse aisément prendre à ces nappes de synthétiseurs, à leur arrière-plan dansant plus rugueux, au chant souvent décalé ; le disque est en outre plus uni que son prédécesseur, restant dans cette étrange atmosphère jusqu'à la fin ou presque, seule La Morsure tranche légèrement, plus dépouillé. Si les provocations et l'énergie de Le Désir et L'Ennui nous manquent un peu, ce disque est finalement plus abouti musicalement. L'intérêt monte d'ailleurs au fil de l'album : il décolle vraiment avec les variations délirantes du thérémine sur Les Baisers Peuvent Attendre, nous trouble délicieusement avec la douceur blasée de My Loneliness (Tribute To Britney) (oui, oui, Britney) ; Je Vais Danser, malgré sa longueur, est justement assez subtilement dansant pour nous tenir jusqu'à la fin de son immersion (auto-)érotique ; quant à La Morsure, c'est peut-être le morceau le plus intéressant de l'EP, son instrumental dépouillé reposant sur des samples étonnamment oniriques contrastant tant avec l'énonciation blasée d'Elsie qu'avec les paroles... C'est un petit bijou de décalage.
À L'Envi n'est pas le disque que l'on attendait ; RETROSECT continue ses expérimentations dans une autre direction et c'est très bien comme ça, c'est à nouveau une belle surprise !