S'il est un album auquel on ne s'attendait pas, c'est bien ce retour de ROSETTA STONE, plus de vingt ans après s'être séparé. L'an dernier, avec Seems Like Forever, Porl King désormais seul aux commandes du mythique groupe britannique ressortait bien quelques inédits et surtout des morceaux de MISERYLAB réarrangés à la sauce ROSETTA STONE : fallait-il y voir des combines du label Cleopatra pour ressusciter la machine ? Allez savoir. On est en 2020, la belle histoire entre ROSETTA STONE et le cultissime label continue (la Pierre de Rosette et Cléopatre, géographiquement on s'y retrouve...) et Cryptology, sortie surprise de ce début août, promet un retour aux sonorités glorieuses des années 90.
Quand un groupe réapparait sur nos radars après deux décennies de silence, forcément, la nostalgie est aussi de la partie, accentuant le plaisir, brouillant nos sens jusqu'à endormir cette petite voix cynique et critique qui se demande pourquoi ce retour aux affaires avec le seul King pour mener la barque (cette fois, Jürgen Engler ne n'est pas occupé du mix). Peu importe. Le cynisme est rapidement balayé dès les premières secondes de Shock : l'ambiance brumeuse, la boite à rythme, la voix grave de King et ses lignes de basse catchy qui contrastent avec des synthés et des guitares plus lumineuses nous plongent dans un univers disparu depuis plus de deux décennies, fait de volutes de fumée, d'ambiances froides et de rythmques dansantes.
Malgré ça, on ne peut pas non plus dire que Cryptology est une redite paresseuse de gimmicks éculés. ROSETTA STONE réussit à titiller notre fibre nostalgique sans pour autant répéter le passé : l'ensemble est plus atmosphérique et mélancolique que le très énergique Adrenaline ou moins déstabilisant que The Tyranny of Inaction et ses angoissantes expérimentations électroniques. On évolue ici dans un spleen à la fois so goth et so cool à la SISTERS OF MERCY, un style qui correspond à merveille à la voix de King, impeccable mais forcément moins tranchante que dans ses jeunes années. In Black, I Put it to You, la mélancolique Smoke & Mirrors ou encore la fantomatique Always, Always sont des hits qui devraient convaincre sans difficulté les amateurs de vieux goth et ceux qui cherchent à danser sur du neuf fait avec du vieux.
Dans la lignée du récent Seems Like Forever et pourtant plus convaincant en ne nous offrant que de nouvelles choses, Cryptology est l'album avec lequel ROSETTA STONE sort pour de bon de son sarcophage. Reste à voir jusqu'où ce trip nostalgique peut nous emmener, si Porl King a de la suite dans les idées ou s'il faut le savourer pour ce qu'il est : une surprise qui, le temps d'un album, ressuscite une époque dont on apprécie avec reconnaissance l'élégante noirceur.