Cette fois on peut le dire : depuis La Morsure du Christ, SETH semble de retour pour de bon et avec un rythme de sortie plus soutenu. La preuve : on n'a eu qu'à attendre trois ans pour en entendre son successeur, La France des Maudits, dont le thème révolutionnaire est appuyé par une sortie fixée pour notre fête nationale le 14 juillet. Cocardiers, les papes du black metal made in France ? Incarnant une version blasphématoire du pamphlétaire Marat ou de Robespierre, guide et tyran, ils s'emparent d'un moment marquant et violent de notre histoire pour le détourner à leur sauce occulte : Paris est hantée dans ses moindres pierres, ses moindres dédales et ici, ce sont les âmes damnées qui réclament leur libération.
On apprécie le thème. SETH aime les symboles forts, après la Cathédrale Notre Dame en feu, ils s'emparent de la Guillotine et de Marianne pour mener la charge. Musicalement, La France des Maudits continue sur la lancée de son prédécesseur mais en plus abouti, plus grandiloquent. Le thème belliqueux impose une touche épique et conquérante dès Paris des Maléfices : SETH attaque avec conviction et nous embarque dans sa folle cavalcade, l'humeur est, comme il se doit, au rejet des dogmes religieux. D'un même geste, SETH condamne mais aussi - et surtout - rallie : le camp du groupe est, comme la Révolution l'exige, celui des marginaux, des rejetés, des loqueteux. Une Cour des Miracles fantomatique prête à renverser l'ordre établi avec un enthousiasme apocalyptique. L'auditeur, lui, est invité à se placer aux côtés de ces laissés pour compte et, malgré son ambiance rageuse et lugubre, La France des Maudits en devient également fédérateur (à l'image de Insurrection qui nous exhorte "Le Diable est avec nous, tous marchons sur le monde !").
Dans sa démonstration de puissance et de noirceur, SETH n'écrase pas toute émotion et c'est tant mieux : son album se teinte alors d'une énergie viscérale appuyée à la fois par ses parties mélodiques (la transition spectrale Marianne, à la fois mélancolique et galvanisante) mais aussi par le chant lugubre de Saint Vincent, hanté, à la fois leader possédé, narrateur démoniaque et âme en peine. "Dieu est mort sur la terre, nous serons tous demain les maîtres en Enfer", scande-t-il, aidé par le rythme qu'impose la langue française, dans La Destruction des Reliques qui, avec son alternance entre frénésie et pesanteur funèbre et ses notes de piano sinistres embrasse à la fois cette humeur conquérante et ce parfum de défaite, de charnier, qui dans un même élan hantent tous deux La France des Maudits. On en goûte la théâtralité blasphématrice (Dans le Cœur un Poignard et sa diction en lourdeur grimaçante, entre amertume et grand-guignol, les chœurs de Et Que Vive le Diable !, ou encore Le Vin du Condamné, magistrale conclusion à cette épopée narrative).
Au risque, à notre tour, de blasphémer, on trouve même un plaisir ludique à ce nouvel album de SETH. On se laisse emporter par son parfum révolutionnaire et son inversion des valeurs traditionnelles, on se délecte de ses victoires macabres. La Terre est un Enfer, les âmes damnées ont envahi les rues de Paris et dansent avec le Diable dans les décombres ? Hourra !