Cette dernière décennie, la scène darkwave a paru s'éloigner quelque peu des pistes de dance, la mélancolie neurasthénique héritée de la coldwave prenant le dessus sur les rythmes martiaux de l'EBM ; She Pleasures Herself est là pour ceux à qui manque une musique plus orientée dancefloor. Actif depuis 2016, le quatuor portugais nous propose cette année son troisième album Latex, servi comme toujours par quantité de singles avec leurs clips -pas toujours recommandables aux plus jeunes, comme on s'y attendait !
On n'est guère surpris de la thématique, le titre s'inscrivant à la suite de XXX (2019) et Fetish (2017), deux albums efficaces. L'écoute nous révèle que Latex s'inscrit dans la continuité de XXX : She Pleasures Herself a réduit le recours aux sonorités saturées que l'on pouvait encore entendre sur Fetish et qui lui allaient somme toute assez mal, donnant dans sa musique une impression un peu brouillonne ; restent le chant en voix de basse très goth-rock, une basse ténébreuse qui prend davantage d'ampleur à présent, les nappes synthétiques et une boîte à rythme qui guide souvent l'ensemble au pas de charge ! Le groupe a ainsi trouvé un équilibre plaisant dans une musique à la fois sombre et nerveuse. On vibre avec les sonorités graves du chant et de la basse, on glisse avec enthousiasme sur les boucles et les nappes plus aigües du synthétiseur sans jamais cesser le mouvement.
Si la première partie de l'album est obscurément enjouée, la deuxième qui commence à Insomnia se montre plus calme, comme abattue ; les sonorités graves prennent le dessus, le chant n'est plus éclatant mais amer, la musique se resserre autour d'une sourde obsession martelée par la boîte à rythmes. On apprécie aussi cette autre facette de She Pleasures Herself, plus mélancolique. L'album reprend cependant de la vigueur à partir de Restraint, toutefois ces trois derniers titres restent entre deux eaux, ce qui les rend moins marquants. On retiendra davantage de cet album Insane pour son excellent duo avec DBoy du groupe post-punk français JE T'AIME, les emportements de DBoy complétant à merveille le chant calme et grave de Nuno Varudo tandis que l'électronique impose sa mécanique ; l'entêtante et énergique Run ; la détresse irrémédiable de Insomnia.
Latex est donc un album attachant, dans lequel on se laisse volontiers glisser. Non que la recette nous surprenne : l'album se situe dans le prolongement de son prédécesseur, et l'on peut faire remonter la darkwave sous cette forme mêlant goth-rock et électronique dansante à GIRLS UNDER GLASS. Mais c'est qu'on aime ça, alors nous aussi, on se fait plaisir.