Pionnier du black metal au Japon, SIGH n'a jamais cessé d'évoluer. Depuis ses débuts, le groupe a amplement diversifié ses sonorités et ses structures, jusqu'à nous entraîner dans d'étranges contrées psychédéliques, en particulier sur son album In Somniphobia de 2012 ; tant mieux ! Shiki, son album de 2022, s'annonce un peu différent des précédents : la très belle couverture représentant la mort guettant sous le cerisier est plus sobre ; cette fois, le chanteur et multi-instrumentiste Mirai Kawashima a composé avec le bassiste français Frédéric Leclercq, que l'on a pu entendre notamment chez DRAGONFORCE et KREATOR ; on remarque enfin que les titres sont tous en japonais, ce qui n'est pas toujours le cas.
L'écoute nous montre que SIGH revient à une musique plus brute et plus directe, où la lourdeur agressive des guitares et le martèlement de la batterie prennent plus de place tandis que Mirai crie avec virulence ses paroles en japonais -un chant black metal dans une langue qui comporte autant de voyelles a toujours le mérite de dépayser ! Les structures sont plus simples, visant moins à nous perdre qu'à nous emporter dans la rage. Shiki n'est pourtant pas le retour à l'orthodoxie du black metal que l'on pourrait croire : l'électronique est toujours très présente, et l'on pourra entendre dans les sonorités introduites par Mirai Kawashima plusieurs instruments japonais comme la flûte skakuhachi ou les cordes taishogoto ; les morceaux jouent des ponts et des coupures pour nous prendre par surprise ; des chœurs féminins ou masculins surgissent à plusieurs reprises. SIGH est toujours riche et déconcertant, mais ici avec une formule plus resserrée et plus violente.
Avec succès : on se laisse séduire par la violence des coups de bélier et des envolées délirantes, tout autant qu'on apprécie les moments de calme qui surgissent soudain, nous plongeant dans l'électronique ou des sonorités exotiques pour nous. Il est vrai que Kuroi Kage, le premier morceau passée l'introduction, lourd et dont le riff sonne plutôt heavy metal traditionnel que black, ne convainc pas entièrement -on a connu plus pesant. En revanche, comment ne pas se laisser emporter par le chant destructeur et le crescendo final de Shikabane ? Par les chœurs de Satsui - Geshi No Ato qui ressemblent étrangement à ceux de THE KOVENANT période Nexus Polaris et par son break déroutant ? Par l'ambiance brutalement déchirée de Mayonaka No Kaii ?
Shiki est donc un album où la mort reprend ses droits avec violence, surgissant au milieu du jardin paisible aux multiples fleurs de richesse sonore pour nous assaillir de ses guitares, de sa batterie et de son chant démoniaque. Une nouvelle réussite pour SIGH, originale et efficace.