C'est toujours avec des frissons d'excitation mêlée de peur que l'on retrouve un vieil amour et S.I.N.A ne fait pas exception. Au début des années 2000, le groupe allemand formé par la chanteuse Sina Hübner et le claviériste Stefan Böhm, un temps rejoints par Frank Klatt, avait marqué par sa powernoise rageuse, avant que les mêmes membres reportent l'essentiel de leur travail sur leur génial groupe dark electro Pzychobitch -nous racontions cette histoire dans notre ex-cave à son sur ce dernier. Si Stefan Böhm a travaillé sur d'autres projets depuis, Sina Hübner avait quant à elle abandonné la musique en 2006, après la fin de Pzychobitch. Mais la fin est finie : en cette année 2024, Sina reforme enfin S.I.N.A avec Stefan Böhm ! Les attentes sont fortes, les craintes aussi : les années 2000 et leur vague techno-indus sont loin. Mais on a très envie que ce come back fonctionne, alors on se précipite sur le nouvel album, leur troisième sous ce nom : Alte Liebe.
La première chose qui frappe à l'écoute d'Alte Liebe, c'est sa diversité. On entend non seulement des morceaux ravageurs pour dancefloors mais aussi des ambiances sinistres qui nous enveloppent au son du chant inquiétant de Sina Hübner ; ils puisent leurs sonorités non seulement dans l'EBM et la techno mais aussi dans le post-punk et l'électro-clash, influence qui était déjà palpable sur le dernier album de Pzychobitch. Ce nouveau S.I.N.A ne se réduit plus à un groupe powernoise, il a muté pour adopter un style personnel au carrefour des musiques électro-industrielles. Ce qui n'a pas changé en revanche, c'est son efficacité : les rythmes sont obsédants, les structures imparables, le chant de Sina féroce et irrésistible. S.I.N.A nous entraîne dans son univers de tôle, d'électronique et d'appétits féroces pour survivre au milieu de cet univers déshumanisé ; on s'abandonne à l'énergie du groupe sur les morceaux les plus martelés, on rêve avec lui sur les plus planants.
C'est délicieux, aussi regrette-t-on qu'Alte Liebe soit si court. Le disque commence à merveille par Nicht Ich et sa guitare coldwave qui nous rappelle les meilleures heures de Velvet Acid Christ période Lust For Blood, mais avec un chant féminin mélancolique ; Little Girl, tout au contraire, nous amène dans une ambiance industrielle où nous écrasent le rythme martelé à la sauce EBM ainsi que le chant implacable de Sina ; Gefühlschaos et Bauchgefühl renouent quant à eux avec les morceaux ultra-rapides aux structures déjantés, avant que l'on ne glisse sur le calme Alles (In Mir) avec ses belles nappes de synthétiseur et un chant onirique... C'est tout pour les morceaux originels, et nous aurons été de surprise en surprise ! Mais encore faut-il ne pas négliger les remix : si celui d'Ah Cama-Sotz pour Little Girl ne convainc guère, on est en revanche séduits par la mécanicité déchaînée de celui de Monolith pour le même morceau, de même que par le caractère étouffant du remix de Gefühlschaos par Cervello Elettronico.
Nul besoin de tergiverser, donc : Alte Liebe est une pépite de valeur, riche en sonorités, efficacement dansant et capables de belles ambiances sombres et industrielles. Retrouver la froideur familière de S.I.N.A nous aura réchauffé le cœur.