Chronique | Skinsitive - Somebodies

Pierre Sopor 7 février 2016

Il aura fallu quatre ans à SKINSITIVE pour sortir ce deuxième album. Quatre ans que l'on connaît son titre, Somebodies, et que le groupe parisien essaye ses nouveaux morceaux sur scène. Et à l'écoute de l'album, deux constats s'imposent. Le premier, assez évident, est que SKINSITIVE n'a pas perdu de sa cohérence, de son âme. Le groupe affectionne toujours autant les compositions tortueuses aux évolutions complexes et imprévisibles, pas forcément accessibles à la première écoute, où l'on n'est jamais à l'abris d'une explosion de rage. Le deuxième, c'est qu'ils ont quand même sacrément évolué. Somebodies démarre en effet sur bon nombre de morceaux accrocheurs et décomplexés qui envoient sévère (Long Teeth Small Tricks et Teen(r)agers par exemple), tout en sonnant globalement moins metal que le précédent. Bien qu'il y ait des traces de gros riffs bien énervés ici ou là (le début de They), on ne retrouve pas non plus la lourdeur d'un morceau comme In The Whoredom Of Hell. Une volonté peut-être de s'affranchir d'étiquettes embarrassantes comme "metal" et "industriel", ou peut-être de revendiquer d'autres influences. Et pourtant, les ombres de P.J. HARVEY ou de NINE INCH NAILS planent toujours autant au dessus de SKINSITIVE (All Is For The Best, par exemple, renvoie aux moments les plus calmes de The Downward Spiral). Et puis, le temps de The Tempest, interlude instrumentale coupant l'album en deux parties, SKINSITIVE se transforme. Plus calme, la deuxième partie semble ouvertement assumer des influences quasi folk. On appréciait le projet pour son côté imprévisible, ses éclats, ses alternances entre obscurité et lumière, ses ambiances torturées. On découvre désormais que l'on aime aussi juste écouter tranquillement ce que le groupe a à nous offrir. On se laisse surprendre par le côté presque narratif de Nuances, qui sonne comme une bande-son de film, mais surtout par l'apparition du français, le temps de trois titres. Chanter en français est souvent casse-gueule dans les genres qui nous intéressent : il faut dire que notre langue n'a pas la réputation d'être particulièrement musicale. Et pourtant, Virginia Fernson s'en sort parfaitement, avec une aisance et une fluidité naturelle, au point qu'on regrette de ne pas en avoir plus. Les paroles de Morse, et surtout June avec ses sonorités ethniques, son atmosphère hantée, quasi mystique, claquent comme du NOIR DESIR au sommet de son art. Il est d'ailleurs difficile de lâcher l'album après un tel morceau, après avoir eu l'impression de littéralement entendre le groupe évoluer entre la première et la dernière piste. SKINSITIVE était déjà un groupe particulièrement riche, peut-être même trop parfois, mais avec Somebodies il a tellement plus à offrir. Plein de promesses tenues et de surprises, l'album donne l'impression de se chercher, et surtout de se trouver au fur et à mesure des pistes, embrassant de nouvelles orientations pour le groupe. En espérant qu'il ne faudra pas attendre à nouveau quatre ans pour voir où tout cela va nous mener !