Donner une étiquette à SNIPERS OF BABEL s'avère plutôt compliqué et c'est ce qui pique la curiosité en premier lieu. Caractérisons-le comme un melting pot de death metal américanisé dans sa structure mais avec le timbre d'un death scandinave – dont la rythmique fait fortement penser à GLORIA MORTI – le tout ponctué d'influences diverses et variées allant du metal industriel au nü metal suivant les chansons. Maintenant que la graine de la curiosité est plantée, le sextuor bénéficie de toute notre attention.
Et il va en falloir une sacrée dose, de cette curiosité. En effet, les premières notes de Initiate The Plague font tout de suite penser à l'archétype du metal américain : du déjà-vu comme on en entend partout ailleurs dans des formations similaires, sans parler des effets manufacturés qui ne sont pas forcément des plus subtils et leurs implémentation est vraiment grossière. En toute honnêteté, il n'est vraiment pas nécessaire d'ajouter des sonorités de pistons ou de marteaux pour faire industriel.
Il reste néanmoins toujours cette petite étincelle qui n'attend qu'à s'embraser de toute son incandescence mais il va falloir passer outre Scourge, qui n'a rien à apporter. Brouillon dans son exécution, la piste peine à maintenir de l'intérêt avec ses chanteurs qui ont du mal à se démarquer malgré une rythmique qui essaye de relever le niveau. En même temps, que dire quand il s'agit de Kevin Talley derrière les fûts ? Le bonhomme n'a plus rien à prouver avec un passif comme DEVIL DRIVER, DYING FETUS, CHIMAIRA, SUFFOCATION… et bien d'autres rouleaux compresseurs. Bref, c'est du travail de pro : réfléchi, propre et surtout, efficace sur toute la longueur.
Revenons un peu plus sur la partie vocaliste qui est, à mon sens, le plus gros atout du groupe pour le faire se démarquer des autres. Trois chanteurs c'est bien, exploiter les forces de chacun c'est mieux. Parce que, pour le moment, la subtilité entre les deux chanteurs gutturaux Jeremy Dyer et Tommy Mott reste mince. Déjà que leurs timbres vocaux sont quasi similaires, il n'y a que peu de moments où ils jouent en canons ou en polyphonie. C'est dommage parce que quand cela arrive, c'est de la distribution de parpaings ! Il n'y a qu'à lancer The Fury pour apprécier une mitraillette vocale où les chanteurs prennent le micro chacun leur tour sur un blast bien énervé. Un petit featuring avec Oli Peters (ARCHSPIRE) sur cette piste serait rigolo, tiens. Mais c'est surtout sur 25th Parallel que les compères se donnent le plus de mal : canons, polyphonie, contraste grunt/scream et guttural/mélodique avec une pointe d'exotisme persane et on obtient la recette gagnante. De son côté Layla Singer rempli très bien son rôle principal de choriste et apporte une peu de fraicheur quand le duo masculin a du mal à s'imposer. Excellente sur Redemption, elle se permet même de rapper sur Another Body Murdered, qui rend hommage au nü metal de l'époque.
C'est donc vraiment à partir de Redemption que la formation va devenir intéressante et dévoiler tout son potentiel latent. Avec une approche plus mélodique, les trois vocalistes sont en parfaite harmonie et enchaînent chacun leur tour les chœurs sur lesquels viennent se greffer quelques screams, renforcé par le clavier qui orchestre l'ensemble tout en restant discret. Cette exécution va ainsi se retrouver dans les pistes qui s'enchaînent par la suite. Enfin, si l'on exclue les intros et les outros à rallonge qui ne sont pas nécessaires, assumez des interludes ça évitera de passer deux minutes en accéléré pour se rendre aux premières notes de chaque piste... Bref, les titres bénéficient d'une meilleure composition, un structure plus solide avec plus de technique. Rapide retour sur The Fury et son tempo plus rapide puis Another Body Murdered et son approche plus expérimentale permettant notamment à la basse de s'exprimer comme il se doit et enfin arrive 25th Parallel, qui clôture parfaitement ce premier EP de SNIPERS OF BABEL. C'est peut-être de là que vient cette étincelle d'espoir.
Alors oui, c'est une version non mastérisée mais l'aspect brut apporte ce petit côté sale et écorché qui plait dans le metal : à la bonne distance entre un raw dégueulasse et une production de gros label lisse et fade. Attention toutefois à ne pas tomber dans l'un de ces extrêmes, j'ai encore l'amer déception de 7TH NEMESIS avec Archetype of Natural Violence qui n'est en fait que Violentia Imperatrix Mundi vidée de son âme, lustré jusqu'à la moelle qu'une comparaison deviendrait dégueulasse ; ou encore le mastering de la discographie complète de MECHINA avec son Compendium bien trop poli sur les éléments symphoniques qu'ils en occultent totalement le reste.
C'est en concluant sur une bonne prestation que Redemption arrive à faire oublier les quelques défauts et lacunes du sextuor. Des effets électroniques inutiles, un manque de profondeur dans les guitares qui gagneraient à être un peu plus mises en avant, ou encore quelques passages parfois confus… Il suffirait de corriger ces quelques points tout en prenant plus de risques sur l'exploitation du trio vocal, ce qui révèlerait ainsi tout le potentiel de SNIPERS OF BABEL. Partant sur de bonnes bases, le groupe pourrait aller loin si la formation se concentre davantage sur les idées de la seconde moitié de l'album et s'ils ne comptent pas trop s'appuyer sur la post production. Je ne peux m'empêcher de faire une fois de plus le rapprochement avec 7TH NEMESIS, qui étaient eux aussi très prometteurs et pleins de qualités qui se sont malheureusement retrouvées totalement anéanties par un mastering trop excessif. En espérant qu'ils ne tombent pas dans le même piège.