Chronique | SomeSurprises - Perseids

Franck irle 25 novembre 2024

Le ciel, contempler les flammèches crépitantes qui constellent la nuit, étincelles éphémères qui s'éteignent avant d'atteindre l'immensité universelle. Tout n'est que bonheur provisoire, en cela, nulle promesse ne peut être tenue au regard de notre condition humaine dérisoire. Avec le recul, Perseids est encore aujourd’hui l’expansion à grande échelle d’un état d’esprit artistique, celui d'une recherche constante du moindre mouvement dans la constellation proche de notre planète. Avoir un intérêt pour des disques ayant été publiés plusieurs mois auparavant, ne relève pas d'un tempérament d'archiviste. Sous l'effet de l'immédiat les consciences modifient, au moment où les échéances sont de plus en plus réduites, l'existence même et le potentiel d'une œuvre. La force motrice de l'industrie musicale répond à des impératifs dont la méthodologie est de considérer comme périmée toute oeuvre qui dépasse un certain laps de temps. SomeSurprises - projet de Natasha El-Sergany - publié chez Doom Trip Records nous parvient au-delà même de sa sortie en début d'année, nous propulsant dans une citadelle d'où l'on peut observer le monde tel qu'il est, surtout si on lève les yeux pour s'extraire de la terre. 

Si de prime abord on viendrait à résumer Perseids comme un disque shoegaze, ce serait une méconnaissance totale et la preuve irréfutable d'avoir survolé un tel chef-d’œuvre. Be Reasonable est justement là pour vous inviter à prendre le temps nécessaire pour écouter chaque mesure, chaque mot, avec des crescendos proches du heavy rock, mais avec des nuances plus proches d'une dream pop. L'intention n'étant pas de vous noyer dans un déluge de guitares brumeuses, mais de trouver un refuge. Fasciné par sa capacité à mesurer la grandeur de l'espace qui nous sépare nous ramenant finalement à un écart réduit, ne sachant pas quelle était cette coloration mélancolique, Natasha El Sergany a mis en musique ce qui traversait son âme, comme le faisceau lumineux qui transperce les vitraux d'un lieu mystique.

Il est des êtres dont la discrétion me touche profondément, cela dit je ne saurais expliquer pourquoi cette poésie non explicite émane uniquement de certains artiste. Peut-être ont-ils en eux quelque chose qui fait cruellement défaut chez les personnes qui s'auto-proclament génies ? L'album est parsemé de quelques parenthèses instrumentales, où chaque titre a une signification particulière en relation avec le la poésie Persane de Hafez (Snakes and Ladders). On retrouve Jessika Kenney qui a longtemps contribué avec Eyvind Kang, dont la voix sublime le titre Perseids, sous la forme d'un poème céleste. Les montées successives de cordes, associées aux grondements des guitares, nous enjoignent à décortiquer la signification de ces météores dont la tradition Islamique traduisait la chute de démons sur terre. 

Somesurprises est en accointance avec son nom. La beauté de Why I Stay est de réussir à nous faire décoller puis revenir à la surface avec ses mots, "You may wonder why I stay, but I know if I go, I won't come back" (Vous vous demandez peut-être pourquoi je reste, mais je sais que si je pars, je ne reviendrai pas). Le message est d'une limpidité confondante, tout est majestueux et ancré comme Bodymind, Natasha maîtrise la symbolique spirituelle avec les liens matériels dont nous sommes constitués. Constellations de sang, de chair et siège de l'âme. Écoutez Ship Circles comme le vaisseau maritime qui jette son ancre dans l'immensité. Vous n'en reviendrez que charmé(e)s, pour l'éternité.