Après une pause pendant laquelle les voix ont bien failli se taire à jamais, SOPOR ÆTERNUS & THE ENSEMBLE OF SHADOWS a retrouvé son rythme de croisière en nous offrant un album par an. L'an dernier, Death & Flamingos nous surprenait avec des guitares deathrock omniprésentes et apportait un renouveau aussi inattendu que jouissif. Où en est Anna Varney en 2020 ? Si l'on se fie à la pochette aux airs de vieille série B, comme le précédent, l'humour noir et l'humeur macabre semblent toujours de la partie.
En réalité, Island of the Dead ne proposera pas de nouveau choc. Il ne prolonge pas de manière aussi radicale l'essai de son prédécesseur et aucun revirement surprise n'est au programme : on est dans une continuité logique de l’œuvre de SOPOR ÆTERNUS. Si l'orchestration néo-classique a repris ses droits, les musiciens présents sur Death & Flamingos n'ont pas été évincés pour autant et l'on retrouve ici ou là des traces de cette énergie plus rock (la batterie très présente, comme sur Minotaur ou Nightbreed par exemple, Deathhouse et sa basse aux airs d'inquiétant présage, The Void et sa guitare grinçante). Atmosphère délicieusement macabre (Black Magic Spell et, de nouveau, ces lugubres thérémines du meilleur effet), théâtralité et mélancolie sont mises en scène par Anna Varney dont la voix, elle, nous surprend toujours par sa pureté. Cristalline, grinçante, menaçante, ironique : l'âme qui donne vie à cet ensemble d'ombres est toujours plus magnifique.
Un album de SOPOR ÆTERNUS par an, on n'oserait s'en plaindre, au risque de passer pour trop gâtés. D'autant plus qu'ici, comme d'habitude, c'est sublime. On est souvent pris aux tripes par les émotions mises dans l'album, peut-être moins extrême que d'habitude, plus imprégnées d'une forme de résignation. Pourtant, il est vrai qu'on ne peut s'empêcher d'avoir l'impression de retrouver une forme de routine, comme c'était le cas au début des années 2010 : tout cela est d'une délicatesse rare, touchant et très beau, à la fois funeste et ludique, sincère et plein d'auto-dérision, mais sans surprise. Et c'est bien là le seul reproche que l'on peut faire à Island of the Dead, qui propose pourtant une nouvelle évolution chez SOPOR ÆTERNUS en mélangeant les éléments rock aux orchestrations traditionnelles : il n'est pas aussi fou que son prédécesseur.
Au moment des adieux (Goodbye et ses épiques huit minutes où l'on retrouve quelques effets électroniques rappelant les travaux d'Anna Varney du début des années 2000), aucune amertume ni regrets ne viennent cependant gâcher notre ressenti. Island of the Dead est un très bel album et, en trouvant cet équilibre musical, est aussi peut-être aussi le plus accessible de SOPOR ÆTERNUS. C'est bien assez pour patienter encore une année avant de retrouver cet univers si unique.