Deux décennies de silence, c'est long. STABBING WESTWARD n'avait plus rien sorti depuis 2001 et un album dont l'accueil plus que tiède explique peut-être que, finalement, l'absence des Américains n'ait pas laissé un vide si dévastateur. Plusieurs signes ces dernières années annonçaient un retour légèrement décalé, faute de pandémie, et Chasing Ghosts arrive enfin chatouiller la fibre nostalgique des amateurs de rock industriel des années 90.
De nostalgie, il est bien question : quand on attend un groupe vingt ans, étrangement, on n'a pas envie de les entendre proposer un truc neuf. Pas de panique, I Am Nothing, premier titre de l'album, rassure sur un point : Chasing Ghosts est une capsule temporelle. Non seulement l'album rappelle les meilleurs travaux du groupe, mais la voix de Christopher Hall n'a pas pris une ride, c'en est même troublant. C'est là tout l'intérêt mais aussi toute la limite de cet album : les riffs incisifs des deux premiers morceaux et ces refrains explosifs, ça fonctionne bien. Dans la grande famille des petits frères de NINE INCH NAILS, STABBING WESTWARD a gardé un mordant perdu par FILTER et qui fait plaisir à entendre. Les formules sont parfois simples, mais peu importe : tant que ça envoie, on prend (le refrain de Wasteland, la frontalité de Dead & Gone, Ghost et sa mélodie discrète mais entêtante épousant parfaitement les lourdes percussions du morceau). Mais il faut bien aussi admettre que sur la durée, Chasing Ghosts n'est pas toujours aussi puissant et dans les morceaux plus pop, il s'émousse. Dans ses envolées plus pop et meilleurs, STABBING WESTWARD patine un peu et flirte avec la niaiserie. Hall a beau être un chanteur convainquant, on se surprend à penser à Chester Bennington, tiens, là comme ça, sorti de nulle part, qui aurait su donner à ce mélange trop sucrée electro-pop-rock une puissance émotionnelle qui, ici, fait défaut et ne passionne pas.
Dans ces meilleurs moments, Chasing Ghosts propose des hits puissants, immédiatement accrocheurs, à la rythmique solide et aux refrains efficaces. On se perd un peu en route dans des sensibleries de façade auxquelles il manque un soupçon de tripes, de conviction ou de force pour que l'on y adhère vraiment... Mais peu importe : il fallait faire du remplissage pour proposer un album entier, et, en l'état, ça nous suffit amplement. Que STABBING WESTWARD vienne nous chatouiller si efficacement, là, en 2022, c'est une bonne surprise qu'on ne boudera pas.