Chronique | STATIQBLOOM - Asphyxia

Pierre Sopor 13 juin 2019

En sept ans d'existence, STATIQBLOOM a eu le temps de sortir cinq albums si l'on compte un split avec ZEX MODEL et le live The Sixth Extinction. Fade Kainer est un artiste prolifique et, on imagine, angoissé : sa musique ressuscite les cauchemars hallucinés de SKINNY PUPPY et emprunte aux rythmiques de FRONT 242, une touche retro qui, forcément, attire l'oreille dans un premier temps. La qualité étant au rendez-vous, l'intérêt suscité par STATIQBLOOM est parfaitement légitime.

Autant le dire tout de suite, Asphyxia n'est pas un album facile à aborder, gentil et rassurant. Ceaseless le prouve d'entrée : le son est sec, la boite à ryhtme agressive, Kainer chante comme s'il venait de se descendre un bidon de vitriol (note pour le lecteur : ça fait mal), se plaçant en disciple énervé de Nivek Ogre. STATIQBLOOM s'engage dans une direction toujours plus noise, plus noire, plus sale, pour le plus grand plaisir des amateurs du genre. Brutal et torturé, Asphyxia est un album plein de cris de rage et de douleur. Au fil de l'écoute, on erre dans un trip hallucinogène suintant de démence et de misanthropie : les nappes de synthé flippantes de Until Oblivion (morceau mixé par Dave "Rave" Ogilvie, d'ailleurs) n'adoucissent en aucun cas la malveillance qui se dégage de cette voix déshumanisée et pourtant viscérale. Les racines EBM sont toujours là, mais loin de faire danser, la frénésie des rythmiques n'évoque que rage, instabilité mentale et névroses : Painted Red est bien trop sinistre pour se dandiner ! 

Sur Asphyxia, STATIQBLOOM sonne comme si les illustres chiots rachitiques de Vancouver étaient devenus des loups et avaient chopé la rage en route. On n'est d'ailleurs pas loin de l'intensité brute des deux premiers albums des génies français de CHRYSALIDE pour la puissance des émotions et les affinités bruitistes. Sur Eight Hearts Eight Spikes, qui (elle aussi) rappelle fortement SKINNY PUPPY, quelque-part entre les albums Mind et Rabies, un synthé moderne, presque synthwave, surgit tel un twist dans le dernier tiers. Fade Kainer cultive en effet un goût pour l'accumulation de couches et les directions imprévisibles, perdant toujours plus l'auditeur dans sa musique tortueuse. Peut-être qu'une forme d'accoutumance se met en place, mais la fin de l'album passe plus facilement, entre la plus abordable No Providence (on n'osera pas dire que c'est club-friendly, mais presque) et le final atmosphérique de Descent, Asphyxia s'achève de manière moins angoissante, bien que l'ambiance reste menaçante.

Le nouveau voyage proposé par STATIQBLOOM est éprouvant. Asphyxia est un album malsain et claustrophobe, d'une dureté nouvelle dans la discographie de l'artiste, pourtant déjà habitué aux sonorités opaques. Ses orientations post-industrielles et noise plus présentes que jamais perdront peut-être en route ceux qui venaient y chercher leur dose d'EBM frétillant. Asphyxia est un cauchemar auditif comme on en trouve peu, il serait dommage de passer à côté. Avec la signature de l'artiste chez Metropolis, on peut en tout cas espérer une nouvelle visibilité pour STATIQBLOOM.