Tous aux abris, STUPRE est de retour. Un peu plus de deux ans après s'être réinventé avec folie sur You Are Made For Me (chronique), le turbulent Nicolas Grasser sort Make Nazareth Great Again (tout un programme). Comme si ça ne suffisait pas, l'album est accompagné des EPs Breathe et Soziaal Verroote, parce que c'est aussi ça STUPRE : de la générosité de l'enthousiasme et des coups de dents dans la jugulaire.
Après avoir samplé Raël sur son précédent album, STUPRE reste dans le sectaire en présentant sa tracklist comme une succession de versets bibliques réinterprétés à la sauce industrielle. Du prosélytisme à grands coups de beats assassins et slogans rageurs crachés en pleine face, ça vous tente ? Histoire de bien se marrer d'entrée de jeu, on commence avec le Livre des Rois et son histoire des quarante deux jeunes gens déchiquetés par un ours, parce que l’Éternel a de l'humour. STUPRE aussi... de là à se prendre pour un dieu ? Allez savoir !
Musicalement, on est saisi par l'agressivité de ce début d'album, plus énervé et rentre-dedans que facétieux, revenant à une electro dark méchante aux mélodies entêtantes, tantôt sinistres, tantôt mélancoliques. Le petit plus apporté par le texte en français et mis en valeur par des filtres donnant une saveur particulièrement malsain aux saintes écritures est toujours appréciable (Galates 5.19). Quand STUPRE nous rappelle HOCICO avec la frénésie de Corinthiens 10.3.5, il le fait avec une énergie et un supplément de rancœur qui lui est propre, amenant l'electro dark vers des terrains plus organiques, moins cliniques, plus sales (entendez donc ces guitares sur Psaumes 90.12.4 ou Genese 3.16.2).
Chez STUPRE, on apprécie la variété. L'apport des divers guests (l'ex-frontman des DOLLS OF PAIN NotreGuide, toujours fidèle au poste et à l'aise avec un texte en français comme Proverbes 18.3, mais également Peter Rainman de PEOPLE THEATRE qui pose sa voix claire sur Mathieu 23.10.2 ou le chant rugueux de BOMBER) garantit une diversité d'ambiance et de voix, synthétisant les diverses influences de l'artiste, du hip-hop au death metal. C'est plus flagrant encore avec les EPs, entre la mélancolie de Calmer Ma Rage ou le rap amer de Sozial Verroote sur fond de synthés glauques.
Dix morceaux plus tard, comme autant de commandements, Make Nazareth Great Again s'achève. Le voyage ne s'arrête pas là puisqu'entre les remixes et les deux EPs l'accompagnant, l'album ne représente même pas la moitié des 26 morceaux que STUPRE nous propose. Toujours foisonnant et mordant, le projet n'a rien perdu de son originalité et de son identité. Peut-être plus canalisé que son prédécesseur, Make Nazareth Great Again est un nouveau condensé d'ironie se souciant bien peu des conventions. Mais derrière cette offre prolifique, ces vidéos hallucinées / hallucinantes et l'attitude taquine (pour ne pas dire "troll") se cache une réelle envie d'offrir aux auditeurs un ensemble généreux, fourni, où rien n'est fait par défaut. Comme quoi, on peut cracher à la gueule du monde sans pour autant prendre les gens pour des cons.