Il aura fallu quasiment vingt ans à SUN OF THE SLEEPLESS pour enfin sortir un premier album : la création du projet remonte en effet à 1998. Mais il faut croire qu'entre EMPYRIUM et THE VISION BLEAK, Schwadorf (de son vrai nom Markus Stock, seul homme derrière SUN OF THE SLEEPLESS) était bien assez occupé. C'est donc en 2017 qu'arrive To The Elements et ses sept nouveaux morceaux, aucun d'entre eux ne figurant sur les précédents EPs sortis de manière éparse au fil du temps.
Avec cet album, Schwadorf ne s'en cache pas : il veut rendre hommage à quelque chose issu de son passé, aussi bien dans les thèmes abordés que dans la façon de le faire. Cependant, même si SUN OF THE SLEEPLESS propose un black metal évoquant les grands classiques du genre, de EMPEROR à DARKTHRONE, il suffit d'écouter un titre comme The Owl ou Where In My Childhood Lived A Witch pour se rendre compte que les ambitions de Schwadorf sont plus variées, ouvrant sa musique à des dérives plus ambiantes, flirtant même avec le post-black. Hommage aux groupes qu'il aime, certes, mais aussi à la nature, To the Elements est un album empli d'une mélancolie gothique qui suinte dès l'introduction The Burden et s'affirme lors de coupures atmosphériques où murmures et choeurs viennent instaurer une ambiance hantée et fantastique (le parallèle avec THE VISION BLEAK est évident). La connexion personnelle de l'artiste avec le passé et cette composante fantastique s'exprime tout particulièrement dans Where In My Childhood Lived A Witch : la chanson évoque un souvenir d'enfance de Schwadorf et une sorcière qui vivait dans les bois et l'effrayait. Musicalement, l'alchimie des voix fonctionne à merveille conférant au morceau une portée poétique que l'on n'attendait pas, avant de s'achever dans la rage la plus pure. Poésie et ambiance d'un autre monde toujours sur Forest Crown, parenthèse acoustique mystique avant de plonger dans In the Realm of the Bark, où une batterie frénétique et le growl glacial de Schwadorf sont réchauffés encore une fois par des choeurs plus éthérés. C'est cette alchimie qui fait tout l'intérêt de SUN OF THE SLEEPLESS, projet à la fois très noir et fidèle aux poncifs du genre, mais au sein duquel quelques moments de grâce apportent chaleur et lumière, comme cette dernière pause dans la deuxième moitié de Phoenix Rise avant un final épique.
Il est difficile de déterminer ce qui fonctionne le mieux dans To the Elements, tant tous les éléments s'imbriquent pour créer un ensemble unique et fascinant : de la richesse rythmique et mélodique au chant de Schwadorf en passant par ces atmosphères si soigneusement élaborées... SUN OF THE SLEEPLESS propose un album tout en nuance, jamais répétitif et envoûtant comme l'invitation d'une sorcière. Si tout cela fonctionne si bien, c'est sûrement parce qu'au sein de cet album bat un coeur, qui insuffle une puissance et une âme presque palpable à la musique, lui permettant de toucher son auditoire, de le fasciner de bout en bout, et de lui donner envie de revenir se perdre dans ces bois sombres.