Le premier mérite de TARDIGRADE INFERNO est de nous envoyer sur wikipedia. On y apprend donc que "les tardigrades (Tardigrada), parfois surnommés oursons d'eau, forment un embranchement du règne animal, regroupé avec les arthropodes et les onychophores au sein du superphylum des panarthropodes." Nous voilà vachement plus avancés. Les photos, plus explicites, nous apprennent que ce sont des trucs moches mais un peu mignons, minuscules et lents. Voilà. Est-ce suffisant pour les envoyer en Enfer ? Peut-être. Mais sinon, TARDIGRADE INFERNO est un groupe russe de "dark cabaret metal", qu'ils nous disent. Après un premier EP convaincant sorti en 2016, on peut enfin écouter le premier album de la joyeuse troupe.
Des tardigrades, donc, mais aussi un cirque, un savant fou dont les expériences partent en sucette, des trucs spatio-temporels : Mastermind parle de tout ça en vrac. L'album commence comme tout spectacle qui se respecte, sur les invitations du bonimenteur incarné ici par la chanteuse Daria. All Tardigrades go to Hell, bien fait pour eux, est une bonne porte d'entrée vers l'univers déjanté des TARDIGRADE INFERNO : ça cogne fort, c'est théâtral, ça sent la piste étoilée et les pop-corn qui volent. On pense à la fois aux STOLEN BABIES et aux CREATURE FEATURE, deux influences revendiquées par le groupe, mais aussi au metal décalé de DIABLO SWING ORCHESTRA. Les lignes de chant font mouche, les riffs mordent fort, les mélodies simples et festives collent aux tympans comme de la barbe à papa. Mastermind est un album frétillant, plein de vie et de folie. Le groupe se la joue Danny Elfman à mort, que ce soit dans les rythmes ou les voix survoltés (les "lalala" narquois de Dreadful Song).
La musique de TARDIGRADE INFERNO va à l'essentiel : c'est efficace, fun, les morceaux ne dépassent pas les quatre minutes et l'album s'écoute à toute vitesse. Parmi les moments les plus marquants de Mastermind, on note les riffs vicieux de l'inquiétante Clown Therapy, la lourdeur de Church Asylum, morceau pour lequel le chant quitte son registre clair et cartoonesque pour s'orienter vers des airs plus démoniaques si seyants aux contrées infernales, ou encore la menaçante valse Mastermind. Le rythme ne faiblit presque jamais, si ce n'est à l'occasion des couplets de I'm Coming for your Soul. L'ambiance cabaret fonctionne aussi quand elle se fait plus feutrée avant que les refrains entêtants et les sons évoquant un thérémine n'apportent la caution barge au morceau. TARDIGRADE INFERNO s'essaye également aux reprises, avec une version particulièrement enjouée d'Alabama Song, une relecture névrosée de Marmalade (il est vrai que dans l'énergie, les russes ont un petit je-ne-sais-quoi de SYSTEM OF A DOWN) et enfin We Are Number One, grosse fiesta démente empruntée à LAZY TOWN pour conclure ce Mastermind.
Le premier album de TARDIGRADE INFERNO est une curiosité immédiatement attachante. La bonne humeur qui suinte du projet n'empêche pas quelques passages bien méchants : un cirque sans frissons serait d'un ennui sans nom et le jeune groupe russe l'a bien compris. Mastermind est un album amusant, rafraîchissant, dynamique et décomplexé. Si le ton semble légèrement moins sombre que sur le premier EP, un humour noir constant se dégage de ce petit disque tout fou. On espère que les tardigrades continueront leur route en Enfer car ce premier effort jouissif mérite d'avoir des petits frères et sœurs !