Bien qu'il s'agisse d'un premier album, George Klontzas n'en est pas à son coup d'essai. Avant TEKNOVORE, il a travaillé pour PREEMPTIVE STRIKER 0.1, CROONA et CYNICAL EXISTENCE en plus de plusieurs collaborations avec J:DEAD. C'est une envie de toucher à plusieurs genres de la musique électronique, de l'EBM à la psytrance en passant par l'acid-techno, qui l'ont poussé à sortir The Theseus Paradox.
Le nom de l'album fait référence au bateau de Thésée, une question philosophique sur l'identité. Si l'on chance progressivement chaque pièce d'un bateau, s'agit-il toujours du même bateau ? En vieillissant, chacune de nos cellules finit par être remplacées : où se trouve alors notre identité, notre âme ? TEKNOVORE n'y répond pas forcément, et n'ayez crainte : l'album n'a pas non plus pour ambition de vous tourmenter le ciboulot plus que ça, mais il s'agissait de contextualiser.
C'est bien la variété des genres qui fait la force de The Theseus Paradox : les agressions techno tribales / aggrotech mid-tempo de Take Me Away qui nous pilonnent les tympans d'entrée de jeu assurent à elles seules le quota d'agression musclée. Des grosses basses, un chant saturé énervé (mais pas que) : ça cogne, ça rentre dans le lard, ça ne réinvente pas l'eau chaude mais on s'en fout. L'eau c'est fait pour se laver et pour boire, et on avait prévu de rester crade et de rester à la bière. Bien que les passages bourrins ne soient pas rares (ni le rythme ni les grosses basses qui font boum-boum ne faiblissent, mais comme par hasard, quand J:DEAD est dans le coin, c'est plus méchant : prenez donc Every Beaten Bone, si ça ne donne pas envie de péter des trucs...), la force de TEKNOVORE réside dans son habileté à construire ses morceaux autour de mélodies efficaces, à l'ADN psytrance parfois très marquée (Anachronist avec ses paroles scandés façon EBM très en colère).
Bien souvent, on peut reprocher à l'electro dark au général de n'avoir de "sombre" que ses samples et son chant traficoté et s'abriter derrière de l'eurodance pouêt-pouêt ni subtile ni passionnante. Chez TEKNOVORE, on évite ce piège grâce à des ambiances travaillées, parfois cinématographiques (la cyberpunk The Seal Becomes the Gate, la mystérieuse Split the Sky), quelques parties plus poisseuses très réussies (Relinquish Your Flesh avec NEON DECAY ou la futuriste et menaçante Continuity) mais aussi un ton global qui ne cherche, justement, pas la surenchère dans le gimmick cyber goth mais plus une exploration des genres qui justifie cette approche club-friendly.
The Theseus Paradox est un album à la fois puissant et varié. On s'y amuse bien, nos bas instincts sont assouvis mais il y a aussi assez de subtilités pour que l'intérêt perdure. TEKNOVORE commence seulement à nous faire transpirer, mais quelque chose nous dit qu'on n'a pas fini de suer.