THE BLACK CHEETAHS est un trio originaire de Berlin unissant la chanteuse Sofia TK, le pianiste Jack Wendy et le bassiste Christian Gjelstrup. qui sortait son premier album au début de l'été. Le titre de leur premier album, Slow Doomed Fever, sonne comme une promesse : ce sera lourd, lent, fiévreux. Un compagnon idéal alors pour supporter l'insupportable chaleur de l'été et son écrasant soleil.
Le groupe associe des influences blues, garage et southern rock à la lourdeur du doom, le tout accompagné d'une touche électronique et industrielle moderne. Le résultat, hypnotique et séduisant est également aussi vicieux qu'un crotale. Après la longue plongée hallucinée de Feathers and Filth, Rails of Rust évoque le groove vénéneux de PIG qui lui aussi flirtait avec l'hybridation blues / indus (l'excentricité de Raymond Watts en moins), croisé avec, en vrac, THE PRETTY RECKLESS, LED ZEPPELIN et KING WOMAN pour ce sentiment d'apathie qui naît parfois de cette pesanteur, pour ses bidons métalliques martelés, pour ces riffs torturés et ce break perché introduit par une guitare sortie d'un morceau de black metal. THE BLACK CHEETAHS prend le temps, les morceaux s'étirent et mutent sur des durées approchant parfois la dizaine de minutes. L'électronique, discrète, n'empiète ni sur la chaleur du chant, ni sur ces cordes qui sentent le sable, le sang, la sueur et le sel des larmes.
Slow Doomed Fever est un album cinématographique, théâtral et atmosphérique avec sa lenteur. Jamais le rythme ne s'emballe, au risque peut-être de frustrer certains : THE BLACK CHEETAHS reste rocailleux, calmant ses débuts d'ardeur derrière un brouillard d'expérimentations sonores (Andrew N.U. Unruh d'EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN participe d'ailleurs à la sinistre So Long a Line). Langoureux, le groupe se frotte au Funnel of Love de Wanda Jackson dans une version plus lourde et mystique, héritant ainsi de la démarche de Jim Jarmusch et Jozef van Wissem sur la bande-son du superbe Only Lovers Left Alive : le résultat en impose mais ne surprend pas autant que cette nouvelle version de School. On connaît des exemples de reprises qui ralentissent le morceau d'origine pour y ajouter un sentiment de menace, là, le classique de NIRVANA se redécouvre sous un angle à la fois écorché et hagard, mais aussi empli d'un mystère inédit.
Le premier album de THE BLACK CHEETAHS intrigue tout d'abord pour son concept, son mélange des genres et des influences. Très vite, il fascine avec ses accents mystiques apportés par sa lenteur et ses pulsations électroniques, et un rendu très brut qui n'est en rien altéré par les différentes expérimentations. Tout cela a bien belle allure et le groupe était bien inspiré de sortir Slow Doomed Fever en été : il est le compagnon idéal pour marcher lentement, très lentement, les yeux mi-clos sous un soleil de plomb et d'échapper à la réalité bien trop brillante qui nous étouffe.