The End, fini, rideau : l'EP sorti en 2019 semblait enterrer pour de bon The Old Dead Tree en sortant du placard quelques inédits. Depuis The Water Fields en 2007, le groupe de metal progressif aux influences gothiques et death n'avait rien sorti mais jouait avec nos espoirs en réapparaissant ponctuellement le temps de quelques concerts. Est-ce que la pandémie, survenue au moment d'une de ces tournées et chamboulant la vie scénique de l'EP The End a joué son rôle ? Faut-il lire le titre de Second Thoughts comme un aveu ? Le vieil arbre mort a en tout cas reconsidéré et le voilà prêt à germer à nouveau avec un vrai comeback, dix-sept ans plus tard et un line-up légèrement remanié mais où l'on retrouve toujours les piliers Manuel Munoz au chant, Nicolas Chevrollier à la guitare et Gilles Moinet à la basse.
"No one really knows what life will bring... nothing's impossible" : les paroles d'Unpredictable, en introduction, ont une petite saveur méta et de prise de conscience. Rien ne dure, ne lambinons pas, rien n'est impossible, la preuve : en 2024, on a le plaisir de retrouver cet univers fait de mélodies poignantes, d'élancements mélancoliques et de guitares triomphantes. Ce qui était prévisible, en revanche, c'était que The Old Dead Tree continuerait sur cette lancée plus mélodique qui leur réussit tant, remisant un brin les secousses death / doom pour assumer même quelques influences pop. C'est dans cet équilibre que le groupe trouve sa grâce, entre élégance et formules accrocheuses, laissant à son chanteur l'espace pour exprimer toute l'ampleur de ses talents. Il y a la matière pour des hits irrésistibles (Story of my Life, earworm impitoyable).
On en va pas se refaire ni vous mentir : ici, c'est quand la lumière se tamise et que l'atmosphère s'alourdit que l'on s'y retrouve le plus. Heureusement, dès Don't Waste Your Time (le temps qui file, encore), The Old Dead Tree se fait plus maussade et étale son spleen. Le refrain conquérant, les lamentations funèbres des guitares : cette petite touche Paradise Lost / Katatonia en plus combatif fait mouche. Au jeu de la mélancolie écrasante, Luke impose sa poésie et sa pesanteur à l'aide d'une mélodie entêtante qui lui confère l'intensité d'un drame épique et des reliefs acrobatiques entre intimité et explosions pleines d'emphase : c'est puissant et théâtral. Solastagia pourrait aussi être adapté en comédie musicale, avec ses chœurs, son piano fou, les émotions qui se bousculent, son équilibre précaire entre ombre et lumière : là encore, c'est la grande classe. Entre temps, on a retrouvé le growl avec The Lightest Straw, Without a Second Thought ou encore OK (et, là encore, un grand huit vertigineux) : il y a un peu de Dark Tranquillity dans l'écorce de ce vieil arbre, avec ce que cela implique de mordant, de tellurique et de méchanceté apocalyptique qui viennent secouer toutes les émotions retenues entre les branches.
Second Thougts réussit à aller de l'avant et à regarder vers l'avenir tout en puisant dans notre nostalgie. Les racines et les bourgeons, ont quelques sortes, car The Old Dead Tree bourgeonne, aucun doute. Trépidant, varié, riche, narratif (la façon dont I Wish I Could et The Trap s'enchaînent évoquent une tragédie gothique dans une vieille bâtisse isolée et nous offre peut-être le moment le plus hanté de l'album : on s'en délecte), ce retour est une réussite. Ironiquement, l'album s'achève avec Terrified, le morceau avec lequel ce retour avait commencé : on a plusieurs fois eu l'impression que The Old Dead Tree était bien conscient du lien particulier que son public avait avec son histoire, ses drames, ses espoirs, et que le groupe ne cherche pas à cacher son émotion. C'est aussi ce qui rend cette œuvre si touchante. "I don't know what to do now" chante Munoz dans Story of my Life : eh bien, chantez maintenant ! Tout finira bien par mourir, alors laissez donc ce vieil arbre vivre un moment et que l'ombre de vos vieilles branches continue de nous apporter réconfort pour les années à venir.