Réunissant un public issu de tous les horizons et pouvant tout à fait se retrouver en tête d'affiche d'un festival goth comme le M'era Luna, THE PRODIGY fait partie des quelques rares groupes qui font autant l’unanimité. Touchant aussi bien à la dance, à la techno, à l'indus ou au punk (et mélangeant tout ça, bien sûr), les anglais ont acquis un statut de groupe culte justifiant tout à fait l'attente autour de leur nouvel album The Day Is My Enemy. Le précédent, Invaders Must Die avait été un carton, mais on pouvait lui reprocher un coté trop pop, trop lisse, trop gentil, sauvé par des mélodies ultra efficaces. The Day Is My Enemy s'annonce tout autre, et ce dès la première piste éponyme : une voix lancinante semble couvrir la menace en approche, les kicks sont énormes, ça nous donne envie de lancer des trucs et mettre des coups de pied partout comme au temps de Baby's Got A Temper. Dommage qu'après THE PRODIGY s'embourbe dans une succession de morceaux lourdingues et peu inspirés, de l'insipide single Nasty à la pénible Ibiza : ça se la joue toujours aussi énervé, mais ça ne fonctionne pas un seul instant : trop brouillons, faussement méchants, ces morceaux semblent avoir été bâclés sans la hargne nécessaire. Destroy et surtout Wild Frontier relèvent un peu le niveau, paradoxalement en calmant le jeu : sur cette dernière, la mélodie retrouve son importance, et les quelques paroles scandées dynamisent le tout. Hélas, après, on replonge dans les mêmes travers que précédemment : THE PRODIGY cherche une agressivité qui ne fonctionne (presque) jamais. Au lieu de ménager leurs effets, ils déchaînent leur énergie du début à la fin, perdant énormément en efficacité et force de frappe au final. D'autant plus que l'album est long, trop long pour se la jouer énervé du début à la fin. On retient cependant quelques bons passages (la petite mélodie orientale de Medicine, la boucherie brouillonne mais rigolote de Wall of Death), mais on est fatigué de The Day Is My Enemy bien avant d'en atteindre la fin. Manquant de moment de respiration et de mélodies mémorables, l'album pourrait se résumer à un assaut de gros beats saturés envoyés par des types approchant la cinquantaine qui voudraient encore se faire passer par les punks tarés qu'ils étaient vingt ans plus tôt. Plutôt triste, surtout quand leur savoir-faire permet quand même quelques bons (voire très bons) moments disséminés ici ou là le long de l'album. Il reste cependant l'optique du live où toutes ces pistes très bruyantes devraient trouver leur raison d'être.
Chronique | The Prodigy - The Day Is My Enemy
Pierre Sopor
30 mars 2015