En ce début d'été 2024, le monde continue sa lente dérive, inexorablement, comme elle a commencé depuis des millénaires. Qui se souvient réellement de cet autre passé ? Les aiguilles du temps se sont enrayées. Préoccupation constante, en cette période de dilution, espèrant un remède au désespoir, il nous reste la solitude pour voyager vers des contrées lointaines. Et puis, il y a des disques sur lesquels on revient, irrémédiablement, parce que leur contenu n'a pas subi le moindre déphasage. Il s'avère nécessaire de ressusciter certaines oeuvres qui nous ont échappées.
Jesy Fortino est par son écriture, l'héritière lyrique du folk dans son évocation la plus dépouillée, elle représente l'iconographie de l'artiste qui éveille toutes les curiosités. Dans Life On Earth, sa musique exprime à travers sa guitare et sa voix séraphine, une sensibilité et une mélancolie bardée d'une lucidité ontologique. Nous avons besoin de sincérité, affronter le monde de cette manière aussi désarmante, n'est pas un aveu de faiblesse, bien au contraire. Eyes Like Ours nous rappelle qu'il existe dans les émotions humaines, une entente universelle. Derrière les gestes de pudeur secrète, d'abandon fantastique et de mélancolie, derrière les étourdissements et même derrière la délicatesse avec lequel certains aspects de l'existence s'impriment, Tiny Vipers fait jaillir des étincelles.
La chronique pourrait s'arrêter là, à cet instant, mais ne voulant pas écrire l'élégie du désespoir, Jesy Fortino nous embarque dans son vaisseau, dans cet ascenseur spirituel dont Slow Motion traverse de part en part, l'écorce pour se relier au cœur. Life On Earth est une ouvre hors du temps, qui n'a pas d'égal à ce jour, voix et guitare pour uniques composants et ce n'est certainement pas le titre de l'album décliné en une chanson de 10 minutes qui vous laissera une quelconque impression d'ennui, les mélodies arpégées de la guitare folk semblent provenir d'un autre monde. Il se passe une multitude de choses dans ce double album. Le magnum opus d'une artiste insaisissable mais dont la sensibilité est telle, qu'elle nous est au final, familière. Après cet album, plus rien ne sera comme avant.