TREPONEM PAL est de retour. Les pionniers du metal industriel français et leurs trente-cinq ans de carrière (avec une décennie de pause au milieu) continuent leur bout de chemin avec Screamers, successeur de Rockers' Vibes et, accessoirement, quatrième "vrai" album depuis la reformation de 2007. Ça y est : la deuxième partie de carrière de TREPONEM PAL est aussi fournie que la première.
Il aura fallu patienter un peu pour enfin retrouver ce souffle si particulier. Ce n'est pas que les albums récents de TREPONEM PAL étaient mauvais, non, c'était du solide... mais pour être tout à fait honnête, il ne nous en reste pas non plus des souvenirs impérissables, la faute peut-être à un manque de folie (Weird Machine, assez conventionnel) ou de lourdeur (Survival Sounds et les remixes Evil Music for Evil People contenaient leurs perles et expérimentations barrées mais manquaient un peu de méchanceté). Screamers ressemble à la fois à un prolongement de Rockers' Vibes et une synthèse des différents visages de TREPONEM PAL : l'album est à la fois lourd, menaçant, mordant, accrocheur, psychédélique, groovy et d'une décontraction cool qui flirte avec la nonchalance.
Dès The Fall, la magie opère. Les mots crachés en boucle par Marco Neves nous tombent dans les oreilles avec pesanteur alors que les guitares sinistres plantent un décor apocalyptique. TREPONEM PAL sait y faire pour balancer des hits faciles à retenir aux riffs qui visent la jugulaire (Out of Mind, Screamers, Earthquake) mais on les préfère plus étranges, plus inattendus comme sur Too Late et sa noirceur mélancolique assez surprenante aux airs de cauchemar éveillé, ou le blues industriel perché de Cosmic Riders. Autre bon moment de l'album, Badass Sound System emprunte le meilleur de MINISTRY : boucles hypnotiques et ambiance hallucinée, c'est aussi écrasant que fun, juste avant que Machine ne nous loge son refrain et sa mélodie légère en tête : en peu de temps, on se fait trimballer dans un tourbillon d'idées et de créativité aussi rafraîchissant que méchamment séduisant. Les plus sceptiques ne changeront pas d'avis et pourront toujours regretter une approche répétitive du metal industriel, ou une palette d'émotions assez peu expressive : TREPONEM PAL ne va pas se réinventer après trois décennies.
Si la variété des influences, du punk à la funk, peut inquiéter l'ensemble reste néanmoins cohérent, uni par cette "touche", ce goût pour le décalage et cette quête de l'originalité qui fait groover le cadre parfois rigide et monolithique du metal industriel, mais aussi par cette rugosité typique (Neves, impitoyable). TREPONEM PAL renoue à la fois avec une forme de méchanceté et de mordant que l'on associe à leurs débuts mais sans délaisser le visage plus festif et barré de Higher ou Survival Sounds. Le groupe y explore ses gimmicks et ses tendances sans s'y répéter et en faisant preuve à la fois d'un bel appétit créatif et de modernité. Screamers est ce qu'ils ont fait de meilleur depuis leur reformation.