Un clip menaçant signé Aranea Peel de GRAUSAME TÖCHTER ; une couverture façon film fantastique glacial ; le nom TWINS IN FEAR choisi par nos deux monozygotes : aucun doute, le projet des sœurs Dabrova a tout pour retenir notre attention ! Les jumelles ukraino-suisses nous présentent leur premier album Unification en cette fin d'année 2020, alors, forcément, on va y jeter une oreille à la fois avide et un peu apeurée, et surtout avide d'être apeurée !
C'est que Abseits, le premier morceau de l'album, qui faisait l'objet du clip, a de quoi allécher avec son électronique à l'ambiance lourde : lenteur calculée, chant en allemand jouant avec sa proie, nappe de synthétiseur grave hantant le morceau, montée en puissance qui nous fait frissonner ; on sent aussitôt venir un album de darkwave particulièrement angoissant. Et l'écoute de l'intégralité de l'album confirme ce que l'on pensait : TWINS IN FEAR s'inscrit dans un style qui rappelle GRAUSAME TÖCHTER par son électronique dansante et surtout son usage du chant mais en laissant de côté l'érotisme malsain au profit de l'effroi, l'atmosphère d'épouvante domine l'album. L'idée est assurément excellente, nous sommes dans notre élément avec ce type d'ambiance.
Seulement voilà : il y a les idées et il y a la façon de les mettre en œuvre. Or celle de Unification s'avère beaucoup moins assurée que prévu. Si Geld s'inscrit dans la même veine que Abseits mais avec un refrain plus pop, on est en revanche perplexe arrivé à Herz : le morceau ne décolle pas. Le refrain lorgne encore une fois sur la pop, sauf que cette fois, rien ne vient le contrebalancer, si ce n'est une nappe de synthétiseur vaguement oppressante en arrière-plan. Et cela ne s'arrange pas sur la ballade suivante, Unification, la chanson éponyme de l'album : non seulement le morceau reste désespérément plat mais en plus, allez savoir pourquoi, les deux sœurs passent brusquement à l'anglais, qui leur va très mal. Seul un sample de sirène en arrière-plan semble séparer le titre d'une ballade pop, et encore n'en serait-ce pas une bonne. TWINS IN FEAR ne nous fournirait-il finalement qu'une version électronique de L'ÂME IMMORTELLE ? De fait, on traverse encore deux de ces étranges ballades, Allein et Wo Die Sonne Nicht Scheint (oui, elles sont toutes à la suite, choix encore plus curieux). Avec The Hunt, on retrouve avec soulagement un morceau dansant mais il n'a pas grand chose d'effrayant, et une fois de plus, l'anglais s'avère peu pertinent. Ce n'est que sur Rätsel et les morceaux suivants que l'on renoue enfin avec les atmosphères lugubres : cette fois, tout y est, chant enfantin faussement candide avec boîte à musique, chant plus adulte angoissant, nappes de synthétiseurs glaciales et pesantes, montée en puissance qui alourdit encore les morceaux pour nous plonger dans la peur... À l'évidence, on est ici très proche de chansons de GRAUSAME TÖCHTER telles que Annika Ist Tot et tant mieux, on adore ça. Sauf que... ce sont exactement les mêmes ficelles à chaque fois, les mêmes que sur Abseits, et elles ne sont pas utilisées de façon particulièrement subtile, il n'y a pas la richesse sonore des univers d'Aranea Peel, les structures des chansons sont très proches les unes des autres, de sorte qu'on s'en lasse rapidement. On s'en tient à une sorte de statu quo depuis Abseits : les morceaux s'alourdissent progressivement mais ne s'emballent jamais. C'est triste car on sent qu'il y a du potentiel, mais il manque un grain de folie pour vraiment nous conquérir.
Le miracle finit par se produire juste avant la fin de l'album : sur Through The Darkness, le pénultième morceau, cette fois ça y est, la chanson est suffisamment obsédante pour prendre, la boîte à rythmes en mode marteau-piqueur associée au chant divagant et aux sonorités aigües réussit à nous plonger dans l'atmosphère glauque que nous attendions depuis le début, même l'anglais n'est pas gênant cette fois-ci ; mais c'est trop peu et trop tard, Unification s'achève sur un Angst sans surprise.
Il n'y a finalement que Abseits et Through The Darkness qui nous auront vraiment marqué. C'est bien dommage car l'idée de l'album était prometteuse, et bien au-delà de ces deux chansons, on a entendu des choses qui nous ont plu mais sans pouvoir les apprécier à leur juste valeur, gêné par les ficelles trop voyantes et par une suite de ballades sans grand intérêt ; Unification est un album maladroit. Pourtant, ce n'est pas sans sympathie qu'on y repense et réécoute ses meilleurs titres : il ne manquait pas grand chose, après tout, et peut-être la prochaine fois sera-t-elle la bonne pour TWINS IN FEAR.