Akephalos est le sixième album sorti par UNZUCHT en même pas dix ans d'existence (en comptant dans le lot le live Widerstand), une productivité d'autant plus impressionnante que le groupe tient un rythme d'une sortie par an depuis 2012 et de nombreux concerts (on les a vus récemment en France en compagnie de EISBRECHER, et ils seront de retour cet automne). Si la formule n'évolue que très peu, le travail reste bien fait. Avec son artwork présentant un démon acéphale, la livraison de 2018 devrait fournir une nouvelle dizaine d'hymnes aux fans de la bande originaire d'Hanovre.
On ne va pas se mentir, "fornication sans tête" (la traduction de ce qu'on peut lire sur la pochette), ça ne nous prépare pas forcément à la sensibilité et parfois même l'élégance de la musique de UNZUCHT, qui nous a habitués à des refrains chargés d'émotions où les sensibilités pop-rock prennent le dessus sur les nombreuses influences du groupe. Pourtant, c'est avec la très punk Projektil que démarre Akephalos, au 100 à l'heure : guitare furieuse, batterie épileptique, paroles scandées qui nous sont presque jetées au visage, un filtre sur la voix de Daniel Schulz la rendant plus agressive... UNZUCHT démarre fort, tout en énergie et tension. Soudain, avant même le milieu du morceau, un piano marque un changement d'ambiance radical, le groupe s'amusant à casser le rythme pour repartir de plus belle plus tard. Intensité et variété sont au rendez-vous et dès le premier morceau, UNZUCHT marque son territoire : un peu comme leurs collègues de LORD OF THE LOST qui ont sorti Thornstar presque le même jour, les quatre musiciens aiment brasser large et convoquer plusieurs influences pour proposer leur propre tambouille.
Avec le single Nela, on peut apprécier le savoir-faire du groupe quand il s'agit de sortir une mélodie qui transforme un refrain en hymne entre deux couplets plus violents. C'est d'ailleurs ce travail sur les mélodies qui, avec la voix de "Der Schulz", permettent à UNZUCHT de séduire si facilement tout au long de l'album : les morceaux sont agréables à écouter, bien construits et riches à défaut d'être franchement très originaux. L'ensemble fonctionne très bien, de l'alchimie entre le chant plaintif et les gros riffs lourds et menaçants de Die Verboten Frucht aux tendances synthpop de Der Schmale Grat, et ce même si on a l'impression d'avoir déjà entendu ce genre de morceaux une bonne centaine de fois. On sent que derrière, UNZUCHT s'amuse et se fait plaisir et il se dégage de cet amalgame une forme de simplicité attachante et c'est justement dans la subtilité du mélange et ses contrastes que réside l'intérêt d'Akephalos. Fleisch und Ruinen, lorgnant plus du côté d'un metal industriel énervé comme l'Allemagne en produit par paquets de douze est au final un titre bien plus quelconque dans ses parties les plus musclées, fatigant même, alors que les parties pop plus assumées donnent un résultat bien plus convaincant (Nur die Halbe Warheit). De la même manière, la larmoyante Du Fehlst manque du relief qui fait tout l'intérêt de la musique de UNZUCHT, reposant simplement sur l'émotion dégagée par la voix de son chanteur. On note la présence en guise de bonus d'une nouvelle version du morceau Ein Wort Fliegt wie Ein Stein sur laquelle UNZUCHT invite SALTATIO MORTIS parce que quand même, c'est vrai que ça manquait de cornemuses. C'est d'ailleurs la critique la plus constructive que l'on peut faire à Akephalos : ça manque quand même vachement de cornemuses ce truc.
Parce qu'à part ça, évidemment, le sentimentalisme et le goût pour la ballade pop et les refrains accrocheurs de UNZUCHT pourraient sembler très formatés, voire niais à certains. Pourtant, ça passe très bien : le travail paraît honnête et le talent du groupe est indéniable car, à la manière d'un hit diffusé à la radio en boucle et qui finit par ne plus nous lâcher, Akephalos parcourt petit à petit la distance de nos oreilles à nos coeurs sombres et flétris pour s'y loger bien au chaud un temps. On l'oubliera peut-être, mais d'ici là, UNZUCHT aura sorti un autre album.