Chronique | USQUAM - Ex Nihilo

Pierre Sopor 31 janvier 2025

Depuis ses premiers pas en 2018, Usquam a évolué. Du trio avec chanteur qui signait l'EP Reborn en 2021, le groupe s'est transformé en un quatuor dont Jessy Christ est devenue la voix... finalement, reborn est un titre qui aurait pu s'appliquer à Ex Nihilo, leur premier album ! Renaître fait d'ailleurs partie des thèmes abordés par le groupe, qui puise dans les mythes fondateurs de différentes cultures pour mettre en avant leurs points communs et extraire de ces traditions primordiales la matière pour de nouvelles histoires à raconter. La vie est faite de cycles, nous disent-ils : rien ne naît de rien.

Ainsi, Usquam se fiche des frontières spatiales et temporelles et prend une distance permettant d'apprécier les choses dans leur ensemble. On pourrait voir dans cette position une démarche un peu zen, un truc de vieux sage. Ne vous inquiétez pas, le groupe ne lambine pas pour entrer dans le vif du sujet. Leur présentation prévient : "il est grand temps de remettre l’homme à sa juste place : celle d’une infime et éphémère particule". Ah, voilà des mots qui nous parlent ! La lourdeur de l'intro d'Altar Ego impose d'ailleurs une certaine solennité mystique ainsi que cette impression que nous sommes face à quelque chose de massif, bien plus imposant et important que nous, pauvres morceaux de viande vaguement velus et un brin arrogants dotés de parole. La rage qui dégouline du chant, cette rythmique impitoyable, les fulgurances black qui viennent donner leur humeur possédée... tout va crescendo jusqu'à une soudaine accalmie. Une voix claire, un solo et ça repart : en un morceau, Usquam rassure. Non seulement ça envoie sévèrement, mais en plus c'est suffisamment bien foutu et varié pour garder notre attention et se renouveler. On y apprécie le mélange d'anglais, de français et de latin qui permet de mettre en valeur le texte et d'y donner des consonances sacrées et prophétiques, entre l'histoire qu'une sorcière nous cracherait au coin du feu et la sombre malédiction ancestrale. Quand Usquam ralentit la cadence, on frissonne. L'intro sinistre d'Athanor, l'épais climat de mystères d'Arcana Nox, les lignes chantées en conclusion de Persephone accompagnées par la rythmique martiale précédant une exécution juste avant le silence :  les atmosphères sont soignées et participent à l'ampleur du son. Surtout, Ex Nihilo est un album méchant, mordant, suintant une rage viscérale qui fait ici office de trait d'union entre les cultures et les ères, traversant le temps et l'espace et donnant aux compositions théâtrales et parfois épiques une touche de folie incarnée.

Griot, skald, ou banshee possédée comme ici : Usquam s'intéresse à l'universalité dans laquelle les schémas se répètent. Est-ce cette universalité qui donne à Ex Nihilo son efficacité, en héritant ses influences et inspirations pour, à son tour, propager et inspirer ? Ce premier album est une pièce à la fois intimidante et accrocheuse, un rouleau-compresseur qui ménage quelques parenthèses poétiques dont on apprécie la hargne vicieuse autant que l'envergure.