Approchant les quinze ans d'existence, VARSOVIE s'est taillé une solide réputation grâce à sa musique à la fois élégante et transpirant le rock'n'roll, sombre mais débordant d'énergie vitale. Coups et Blessures est le troisième album du duo originaire de Grenoble, qui a récemment signé sur le label Sundust Records et l'on y retrouve leur univers dès l'artwork : une femme brune, toujours, dans un intérieur qui évoque une version nocturne de la pochette de L'Heure et la Trajectoire.
La musique, elle aussi, reste reconnaissable : les deux musiciens continuent leur aventure post-punk / dark-rock (ce sont leurs mots) d'où se dégagent mélancolie, noirceur, froideur et urgence. Le morceau-titre qui lance l'album est d'ailleurs particulièrement représentatif avec son rythme soutenu et son texte scandé par la voix grave et angoissée de Grégory Cathérina. Difficile de ne pas penser aux paysages musicaux grisâtres et ternes de JOY DIVISION, avec cette énergie anxiogène, presque paniquée. Les textes, toujours en français, à la fois contemporains et poétiques, sont plein de formules bien tournées sur lesquelles planent régulièrement l'ombre de NOIR DESIR, une influence qui saute aux oreilles dès Revers de l'Aube. Sans fioritures, directe, la musique de VARSOVIE fonce à l'essentiel mais prend le temps de le faire quand il le faut : ainsi, Va Dire à Sparte s'étire sur huit minutes, laissant aux textes amers écrits par le batteur Arnaud Destal le temps de résonner et mourir dans la bouche de son collègue. "Va dire à ces Cadets tombés sous les balles / Quels sons font les rafales / Qu'on nous vante aujourd'hui". La colère sous-jacente bouillonne et s'exprime dans les gémissements d'une guitare hypnotique, obsédante avec Killing Anna, et s'alourdit avec l'horizon assombrit de Le Lac, prenant en fin d'album le rôle principale sur Chevaux Echappés, intense promenade instrumentale brisées par seulement six mots qui claquent avec dépit : "Traverser des siècles pour en arriver là...". Si parfois VARSOVIE laisse filtrer la lumière, elle est nostalgique et lointaine et ne fait que mieux ressortir les nombreuses zones d'ombre de Coups et Blessures. Le disque a le goût des longues nuits blanches et de l'errance, le tout dans une ambiance enfumée à la SISTERS OF MERCY.
Ce troisième album de VARSOVIE affirme l'identité forte du groupe, dont le rock racé, poétique et décadent n'a décidément rien de festif ou de poseur (le premier qui mentionne les BB BRUNES en référence au titre de l'album en prend une). La musique du duo est faite de déceptions, de dégoût, de tristesse et de colère et confirme tout le bien que l'on pensait de leur univers glacial et organique dont la radicalité ne semble pas prête de mollir.