Venera est un projet qui sait cultiver son mystère. Très discret, le duo formé par James "Munky" Schaffer et le producteur / réalisateur Chris Hunt a subitement sorti un premier album éponyme, sans trop en dire. En farfouillant, on apprend que le nom Venera renvoie à un programme spatial russe des années 60 et 70 ayant pour but d'étudier la planète Vénus. Nous voilà bien aidés pour aborder ce projet électronique / ambient cinématographique.
S'il est indubitable que la présence du célèbre guitariste de Korn dans le projet va attirer quelques curieux, arrêtons immédiatement là toute comparaison avec les légendes du neo metal. Venera prend le temps de nous envelopper et de nous perdre dans ses nappes de synthés à la fois futuristes et énigmatiques. Venera et ses influences noise / ambient tisse ses atmosphères, met en place ses mélodies minimalistes inquiétantes au potentiel dramatique appuyé (le suspense d'Erosion est digne d'un film d'horreur).
On devine dans ces juxtapositions de textures que Venera a laissé beaucoup de place à l'improvisation, apportant à la froideur de l'électronique un supplément de spontanéité. Le numéro du batteur Deantoni Parks sur Disintegration donne d'ailleurs l'impression d'une rencontre entre l'IDM et le jazz avec ses ruptures inattendues au rendu halluciné, un truc vivant et incontrôlable. Si le premier contact avec Venera peut sembler hermétique, ce premier album séduit facilement, notamment grâce à la durée relativement courte de ses morceaux et à ses quelques invités. HEALTH (toujours aussi incontournable) et VOWWS apportent à Ochre et Hologram une touche pop éthérée mélancolique qui vient nuancer la menace dégagée par le morceau, mais aussi un supplément d'âme au milieu de cette froideur, laissant à l'humain la place de s'exprimer au milieu des machines. Alain Johannes, avec son timbre rappelant parfois Bowie dans ses œuvres "récentes", donne à Triangle la saveur crépusculaire d'un générique de fin (cette piste aurait d'ailleurs très pu être raccrochée à Helium pour offrir à l'album un final plus épique).
Après avoir laissé Venera nous embarquer dans son univers, le mystère reste à peu près aussi entier : ce premier album mélange expériences cryptiques et évocations cinématographiques pour proposer quelque chose d'à la fois viscéral et (un peu) cérébral. On s'y laisse prendre avec plaisir et les ambiances créées fonctionnent à merveille : en choisissant une certaine accessibilité, Venera réussit à nous toucher et intrigue suffisamment pour que l'on y revienne. Surtout, on tient là un excellent album pour amateurs de SF contemplative, sombre et mystique.