Deux ans après le monolithe de noirceur qu'était Kerygma, Verset Zero est de retour avec un nouvel album découpé en trois actes de trois morceaux, Phantasma. Faut-il voir dans sa récente collaboration avec Ho99o9 ainsi que dans la présence d'invités aussi prestigieux que Perturbator ou Ivar Nikolaisen de Kvelertak un signe d'ouverture du côté de Verset Zero ? Plus vraisemblablement, on préfère y voir là les preuves que sa musique commence à attirer l'attention qu'elle mérite car avec Phantasma, une fois encore, la traversée n'est pas de tout repos.
Il y a une évolution frappante avec ce nouvel album : les beats hypnotiques ont disparu pour laisser la place à une approche plus étouffante et menaçante et un brouillard synthétique anxiogène écrasant. Le rythme est lent, les guitares s'extirpent de la brume épaisse pour apporter à cette atmosphère funèbre un supplément de texture... Verset Zero lorgne désormais du côté du funeral doom teinté de dark ambient et sa musique prend la saveur putride d'un destin funeste à la lourdeur théâtrale (non, vous n'allez pas danser). Avec les cris écorchés d'Ivar Nioklaisen et ses guitares machinales sans pitié, L'Esprit Noir pose l'ambiance de Phantasma : macabre et incantatoire, ne laissant que bien peu de place à nous, pauvres humains. Quand le rythme s'accélère, la menace se mue alors en panique. Non, on ne va vraiment pas danser.
L'auditeur respire peu, qu'il soit noyé dans les ténèbres hallucinées de L'Omniscient Désabusé et sa lenteur terrifiante, broyé par les riffs implacables de Les Âges Funestes ou saisi par un dernier acte qui embrasse plus ouvertement ses influences black metal (L'Hydre Éternelle, poisseuse et malsaine). Verset Zero saisit toute la noirceur des musiques extrêmes et leur opacité pour l'injecter à ses machines, glaciales. Perdu dans cet univers sonore infernal dont chaque instant sonne comme une condamnation à mort, l'auditeur s'accroche aux rares bouffées d'oxygène qu'il peut trouver, comme les nappes de synthé futuristes de Perturbator sur Les Horizons Mélancoliques (qui reste dans l'humeur boudeuse de Lustful Sacraments, rassurez-vous, ce n'est pas non plus là qu'on va se dandiner), qui apportent une touche de poésie plus éthérée aux funérailles et une bonne dose de contemplation cosmique, ou à l'orgue de L’Éveil et son passage au troisième Acte dans une ambiance de terreur sacrée.
De ce mélange indus / metal extrême / doom / dark ambient / ritual ressort une impression monumentale et mystique : Phantasma est une errance cauchemardesque intimidante. En mélangeant les genres, Verset Zero évoque en vrac Author & Punisher, Trepaneringsritualen ou Blut Aus Nord mais aussi le black metal crasseux des années 90. Phantasma est un album impitoyable, aux ténèbres abyssales et, égaré au cœur de ce labyrinthe funéraire, on se sent perpétuellement insignifiant. Cela n'empêche pas d'être également sidéré par la beauté majestueuse qui s'en dégage.