VICERY se caractérise comme un groupe mélangeant death, industrial, groove et nü metal. Ça peut faire beaucoup et sembler effrayant sur le papier, mais les serbes intriguent dès les premières notes avec cette volonté de concilier les deux écoles du death metal. Ils ont pris, soulignons-le, un temps raisonnable pour produire leur premier album soit deux ans après la formation du groupe et la sortie d'une démo trois titres (dont on a déjà parlé ici). La production est soignée, les instruments maîtrisés, synchronisés et la voix travaillée, d'autant plus que la formation ne compte que deux membres : l'un au chant, l'autre aux instruments.
Pour un premier jet, le duo a sorti les moyens et dispose ainsi de bonnes bases pour mettre leur premier pied sur la scène metal. Le groupe va puiser dans les fondements du death metal où le registre vocal d'Ivana Momčilović s'oriente plutôt vers du old school, avec un chant guttural très caverneux et donc, par la même occasion, généralement très linéaire. Golden Bullet sera la seule piste à vouloir tenter des chants mélodiques. C'est une bonne idée pour briser la monotonie du grunt mais les arrangements sont trop omniprésents et finissent par sonner faux, même si le résultat fait penser à la drogue valkyrie de l'univers Max Payne. Bref, c'est un détail qui reste néanmoins mineur puisqu'au bout de plusieurs écoutes, on finit par accepter la modulation et la chanson prend tout son sens.
Il est certes très compliqué de chanter dans deux registres différents et la plupart des groupes (CALIBAN, DESTINITY…) ont recours à un des musiciens quand l'occasion se présente. Le cas échéant, tendre vers un guttural hurlé, ou "shrieking", aurait été un bon compromis, notamment sur le refrain de Nightmare Realm. La chanteuse semble pourtant pouvoir y arriver en se permettant quelques bien trop rares modulations quand il s'agit de personnifier l'imagerie de la drogue, très présente dans les textes. Par ailleurs, quand on s'intéresse aux autres projets d'Elio Rigonat – KOBOLD et un one-man band EGREGOR – on constate qu'il a largement les capacités pour faire les chœurs ; ce peut être une idée à creuser.
Pour en revenir à cette monotonie causée par la voix caverneuse, le death metal old school a su palier à ce manque par des ponts explosifs et riches en riffs dévastateurs, où les guitares voient leurs cordes à coups de soli nerveux et rapides. Ici, ces derniers restent malheureusement en retrait par rapport à la rythmique, laissant une certaine frustration comme ressenti final. S'ils avaient tous été modulés comme la structure de Dead et Vicery, extrêmement bien exécutés lors du pont, on aurait mieux apprécié ces moments de frénésie.
D'ailleurs, parlons-en de cette écrasante rythmique. Elle a le même effet que celui d'être percuté par un R730 V8 10x8 lancé à pleine vitesse, ne laissant qu'une bouillie ou quoi qu'il puisse rester après son passage. La batterie bourrine sans relâche mais sans avoir cette mauvaise impression de blast incessant, coupée notamment par des micro-soli entre deux versets et par le biais d'une double pédale modulée en conséquence. On décroche sans difficulté des mouvements de nuque sur ces guitares lourdes appuyées par une basse bien présente.
Néanmoins, certains titres se ressemblent beaucoup trop pour passer inaperçus. TSAR#1 et Enforcer ont les même riffs saccadés, Golden Bullet et Nightmare Realm les même accords et effets sur la lead guitare ; et d'une manière générale, les chansons sont toutes structurées plus ou moins autour du même riff. Il en va de même pour les arpèges qui accompagnent la rythmique et qui ne décollent jamais vraiment en solo digne de ce nom. Au final, rien de vraiment singulier au niveau de la composition et c'est vraiment dommage ! Parce qu'a contrario le jeune duo serbe arrive à concilier un subtil mélange des genres tout en restant logique dans sa composition, sans partir dans tous les sens.
C'est un résultat finalement plutôt mitigé qui ressort de ce Devolution. D'un côté on trouve de bons éléments avec tout cette énergie déployée, une postproduction de qualité, ou encore une jeune chanteuse capable de rivaliser avec Runhild Gammelsæter en terme de grunt caverneux. De l'autre, il subsiste quelques lacunes au niveau de la diversification à la fois instrumentale et vocale qui pourrait garder l'attention de l'auditeur une fois la curiosité passée. Une faiblesse que VICERY a encore le temps de rectifier.