Et si l'on revenait quelques années en arrière pour se replonger dans l'univers étrange et angoissant de VIOLET STIGMATA ? Et quoi de mieux pour se faire que ce qui peut être considéré comme leur meilleur album, l'excellent Dyskronik Circus ? Au début des années 2000, VIOLET STIGMATA connaît une profonde mutation : à l'origine projet solo du regretté Nico, qu'un accident de voiture nous a arraché en 2011, l'entité devient un vrai groupe. Après le diptyque Décomposition & Reliques et Progénitures Suite & Fin qui proposait surtout des versions remasterisées d'anciens titres, Dyskronik Circus est aussi le premier album de VIOLET STIGMATA avec un batteur. Allez, lancez la vidéo en bas de cette chronique pour accompagner la lecture, ça vous mettra dans l'ambiance.
Si à l'époque on avait pu craindre que l'identité du projet ne se dilue avec l'arrivée d'autres musiciens, il n'en est rien : Nico, véritable maître à bord, continue de composer les morceaux mais délègue à ses collègues la charge des instruments pour leur permettre d'apporter leurs compétences respectives. Le mélange de deathrock et d'electro est toujours reconnaissable entre mille, évoquant une version plus lourde et grinçante du CHRISTIAN DEATH de Rozz Williams. Un rapide coup d'oeil à la tracklist rappelle également l'humour de VIOLET STIGMATA, évidemment très noir, qui vient parfois donner un ton décalé à leur musique. L'enchaînement Will You? / No I Won't. en est représentatif. Mais ce sont d'inquiétantes sonorités dissonantes et menaçantes qui ouvrent Dyskronik Circus, avant qu'une mélodie mystérieuse d'inspiration orientale n'assure la transition entre l'introduction Vulnerant Omnes et Chloroform. Certes, la guitare est plus mise en avant que par le passé, mais VIOLET STIGMATA ne se trahit pas. Son rock gothique s'est étoffé, la composante industrielle s'affirme de manière flagrante dans cette rythmique lourde et obsédante alors que Nico alterne entre l'anglais et le français et qu'une mélodie répétitive achève de planter le décor effrayant de l'album.
Si l'on était familier avec les précédents travaux de VIOLET STIGMATA, on est alors surpris par l'agressivité de la guitare qui fait pencher le groupe vers le metal industriel, notamment dans la schizophrène et cauchemardesque Plusieurs avec ses gros riffs martiaux qui accompagnent un chant caverneux, doublé d'une voix démoniaque. Et dire que juste avant, on s'amusait de Trouble-Fête, qui proposait un "joyeux anniversaire" version marche funèbre absolument jouissif et tellement dans l'esprit à la fois dépressif et second-degré du groupe, où l'on imagine des fantômes de clowns déprimer sur un manège qui ne tourne plus depuis longtemps. De nuit. Sous la pluie. Dans le brouillard. VIOLET STIGMATA, c'est gothique, et un morceau comme Let the Disease vient nous le rappeler, avec sa rythmique endiablée et son chant plaintif suintant de désespoir. On ne peut être qu'impressionné par la richesse que propose l'album dans ses ambiances macabres (le piano de No Me Recuerdo, la valse possédée et frénétique de Chrysalis Waltz, les cuivres déglingués de Wer Sind Sie Denn?, etc...). L'enchaînement entre les deux parties de The Whore synthétise bien la tendance de l'album, avec un premier morceau plus punk et un second plus lent et électronique avant que les guitares ne reprennent le dessus.
Avec ses tubes accrocheurs (Chloroform, In the Evening Mist, Rock Around the Coffin, etc...), ses délicieuses ambiances macabres (Trouble-Fête, Perfusion) et son opacité générale, Dyskronik Circus est un album magistral de bout en bout. C'est à la fois beau et terrifiant, pesant et aérien, sinistre et rock'n'roll. Pour maintenir un tel niveau de qualité, de richesse et d'intérêt tout au long de ces dix-neuf morceaux, il en fallait du génie. Et celui de Nico, si indispensable à la musique gothique made in France, nous manque cruellement.