Chronique | Wednesday 13 - Mid Death Crisis

Pierre Sopor 25 avril 2025

A l'image des meilleurs artisans de la série B, Wednesday 13 continue sa carrière dans un drôle d'équilibre : à la fois figure culte incontournable pour les amateurs de facéties horrifiques et, pourtant, toujours étrangement sous les radars. Il y a une dizaine d'années, l'ancien frontman des Murderdolls opérait progressivement un virage vers un son plus lourd, plus metal, flagrant sur l'album Condolences. Mid Death Crisis ne sera pas le cygne d'une famille composée uniquement de vilains petits canards : il est tout aussi boiteux et difforme que ses grands frères, respectant une tradition aussi réjouissante que bien ancrée.

Mid Death Crisis : on le reconnaît bien là, avec ses jeux de mots et ses punchlines que l'on pourrait entendre de la bouche d'une Mercredi Addams adulte (pitié, la vraie, pas celle de Netflix) ou du Gardien des Contes de la Crypte. D'ailleurs, Wednesday 13 n'hésite pas à recycler ses tours et ses meilleures tournures : When the Devil Commands reprend par exemple quelques mots de What the Night Brings et de The Devil Made Do It des Frankenstein Drag Queens From Planet 13 et s'inscrit dans une lignée d'hymnes immédiatement accrocheurs. Plus qu'une redite, on préfère y voir là les facéties d'un monsieur loyal qui rejoue les meilleurs tours de son cirque monstrueux, bien conscient d'évoluer dans un monde bien à lui. Après tout, dans les années 60, La Famille Addams réutilisait aussi certains gags d'un épisode à l'autre !

Côté musique, disons-le tout de suite : Mid Death Crisis ne contiendra aucune surprise. On reste sur ce mélange punk / metal / glam gavé de références, hérité d'Alice Cooper, Mötley Crüe, The Misfits ou encore Rob Zombie. Comme ses prédécesseurs, s'il n'oublie pas les bons mots et cette humeur de fête gore aussi méchante que finalement inoffensive, l'album s'avère plus cruel, plus sombre. Comme si les gentils films gothiques avec Vincent Price avaient été remplacés par des slashers ou du torture-porn (on est plus Vendredi 13 que Mercredi, quoi). Le résultat se traduit par des riffs qui charcutent, des rythmiques martiales qui ratatinent : Decease and Desist, When the Devil Commands ou My Funeral sont aussi vicieuses que jouissives. Wednesday 13 est un plaisir primitif, celui de danser avec une bande de zombies, de découper des membres à la hache, de patauger dans les tripes.

Pot pourri de ses méfaits, on a bien sûr droit aussi bien aux titres plus punks et plus légers (Rotting Away, Blood Storm) ou, plus intéressants, aux quelques nuances plus mélancoliques qui rappellent comment Wednesday 13 sait aussi toucher nos tripes sans les arracher grâce à son chant (In Misery, I Hurt You) Ces dernières sont cependant moins présentes que par le passé. Mid Death Crisis nous offre finalement tout ce qu'on aime chez lui, des gros hits rentre-dedans aux passages plus doux-amer, le tout emballé avec une efficacité constante. On y retrouve aussi tout ce qui fonctionne moins : de façon tout à fait subjective, on pointera du doigt les titres plus punk qui ont du mal à imposer une ambiance sinistre. 

Dans sa "crise de milieu de mort", il nous rappelle aussi qu'il approche, tout doucement, de la cinquantaine (souvenez vous : "In 1976-6-6, I was born a bastard and a son of a bitch"). On comprend donc mieux que cette nostalgie qui a toujours été présente chez lui semble ici plus présente avec quelques incursions glam / heavy kitsch dans les guitares plus affirmées que d'habitude (et l'apparition de Taime Down de Faster Pussycat sur No Apologies). On accepte aussi que ses bravades adolescentes irrésistiblement fun (et probablement insupportables pour les gens sérieux, propres et chauves) aient muté en ce monstre plus lourd, que sa voix de loup enragé soit plus dense aussi. Difficile cependant de le traiter de passéiste tant, aujourd'hui, Wednesday 13 semble évoluer dans un univers personnel et intemporel, celui des monstres en latex réjouissants, des mutilations rigolotes, des messes noires déviantes et des G.I. Joe cloués à des crucifix.

Mid Death Crisis peaufine la formule. Est-ce que l'on y trouve les meilleurs titres de sa carrière ? Non. Pour autant, aucun n'est vraiment faible, l'ensemble s'écoute avec plaisir, on s'y amuse plus que sur le précédent Horrifier et Wednesday 13 reste un artiste à part, foncièrement attachant dans sa passion sincère et sa galerie des horreurs. Il est un peu comme ce type bizarre maquillé en clown au costume crasseux que l'on croise au détour d'une route déserte et qui nous invite à visiter ses attractions : certains l'ignoreront, d'autres le fuiront, mais on sait que vous, là, les tordus comme nous, vous retournerez avec plaisir y rigoler un bon coup avec tout le respect et la tendresse qu'on lui doit... à vos risques et périls !