Witchorious est originaire de Chelles, en Seine-et-Marne. Les connaisseurs le savent : ce département est synonyme de base militaire désaffectée ultra-radioactive, de sols pollués, de vieux manoirs à l'abandon et d'un parc d'attraction cauchemardesque dédié à une souris tyrannique... un décor propice aux délires brumeux et aux horreurs rampant dans la nuit ! Le trio formé en 2019 a profité de la pandémie pour transformer ce qui devait n'être qu'un EP en un premier album éponyme.
Si les influences évidentes sont bien là, entre Black Sabbath et Electric Wizard, Witchorious insiste : pas question de stagner dans le passé, et le jeune groupe mentionne également Amenra ou Mastodon. Cela se traduit par une pesanteur idéale pour leserrances angoissées mais aussi une hargne viscérale qui jaillit lors d'explosions rageuses où le chant d'Antoine Auclair mute en cris écorchés (Sanctuaire), ainsi qu'une volonté de parler de souffrance psychologique et de désastre écologique. Ces thématiques plus actuelles et personnelles dépoussièrent les traditionnels rituels occultes et psychédéliques du genre en y ajoutant un mordant et une détresse qui font mouche (le deuxième titre a pour titre Catharsis : tout est dit).
Witchorious n'en oublie pas en route de groover tout en restant menaçant, ni de nous envelopper dans son univers où l'occulte reste bien présent (The Witch, évidemment). Blood synthétise ainsi tout ce qui fait la force de Witchorious : la lourdeur sinistre du genre, des riffs irrésistibles qui nous entraînent dans leurs marécages hallucinés et leurs cachots obscurs plein de tortures médiévales, des explosions tumultueuses et une belle alchimie entre les voix de d'Antoine et de Lucie Gaget, également bassiste qui apporte cette couleur fantastique et un vrai relief, un truc lugubre incantatoire à la Mansion, délectable. Les deux se relaient d'ailleurs au chant, avec efficacité une variété de registres (To the Grave délaisse ainsi le metal pour prendre les airs d'éloge funèbre mélancolique).
Avec ce premier album, Witchorious séduit de prime abord grâce à sa maîtrise des codes du genre. C'est du doom bien fait, respectueux d'un certain cahier des charges qui fonctionne toujours : ambiances horrifiques et guitares sous acides, la recette du truc à la fois sombre, inquiétant et plein d'horreurs gothiques, mais réjouissant fait toujours mouche. Ce qui retient tout autant notre attention, c'est aussi l'âme qu'ils y injectent, l'humanité et la mélancolie que l'on décèle aux détours de ces écrans de fumée psychotropes et des silhouettes menaçantes, la façon dont le trio s'approprie les figures du genre pour véhiculer un message mis au goût du jour et cette envie d'ajouter à la tripaille de fête foraine des tripes, les vraies, celles qu'on se sort avec douleur du bide pour les exposer. Carrément cool.