Le ver est dans la pomme, le fruit est tombé dans l'abîme et depuis dans le sable, se glisse au grès des dunes, puis à la surface des eaux boueuses, un étrange nématode à trois têtes s'enfonce dans les cavités du sol et se contorsionne pour débusquer la substance venimeuse, la Shapeless Mass (album de 2021) délivré par le trio de Menton. Par quelle voie royale la moelle interne vibre ? C'est de cette question dont il «s'agite», épingler enfin le spécimen Wormsand. Mon détecteur de métal précieux m'a orienté vers ce nouvel album qui ne manque pas de reliefs.
Le roi est nu, sa couronne est celle d'une gloire passée, le temps a fait son œuvre, l'obscurité ne se laisse plus transpercer. La mutation sonore de Wormsand est formelle, de prime abord, on assiste à une déformation musicale qui dégouline de tous côtés, Black Heaven qui nous avait été présenté comme extrait, indiquait déjà cette nouvelle voie où la composition s'écarte stricto-sensu du stoner, par un chant nettement moins camouflé et par des rafales de riffs entrecoupés de nuances, de breaks rythmiques et d'une pâte doom avec des accointances grunge. Encore plus récemment, Daydream qui ouvre l'album, avec son clip toute en beauté fuligineuse, nous introduit dans un royaume de compositions lunaires et évocatrices de paradis perdus.
Justement le trio creuse encore dans la matière, Digging Deep est la résurgence de cette percée exhumant une noirceur grandiose, dont le sludge explose en giclées sanguines, et ces voix crépusculaires qui fouillent dans le ciel pour trouver la lumière avant d'en manquer. C'est cet oxygène dont le titre You, The King se libère pour insuffler dans chaque cavité le feu purificateur, une combustion que l'on peut aisément ressentir au tréfonds de soi avec un final instrumental en fade-out. Des reliefs qui ne laissent que peu de répit, entre Drown et The Crown, la ligne de démarcation est infime, ce qui rend ces deux titres inséparables tout comme Julien, Clément et Tom, c'est cette combinaison qui culmine avec The Final Dive, caverneux et non moins obsédant par ses lignes mélodiques. Wormsand conclut en tirant sa révérence dans un titre glaçant, To Die Alone, de ce substrat quasi embryonnaire, naît une œuvre ambitieuse qui pose ses fondations, une musique monolithique dont la charpente ne s'écroule qu'en fin de concert dans un fracas mémorable. La prod est monumentale, confiée à Jimmy Goncalves et Nico Aanklacht. Pas de doute, Wormsand va conquérir de nouveaux territoires, et la bataille est dors et déjà gagnée.