Chronique | Xmal Deutschland - Early Singles (1981 - 1982)

Tanz Mitth'Laibach 3 février 2025

Connaissons-nous si bien Xmal Deutschland, après tout ? Le tube Incubus Succubus et les trois premiers albums de la formation gothique allemande des années 80 sont restés cultes à juste titre, le dernier album a été totalement oublié à juste titre également, néanmoins les débuts du groupe avant Fetisch recelaient d'autres trésors. Le huit mars 2024, le jour où l'ancienne chanteuse du groupe Anja Huwe revenait à la musique pour son album solo Codes, le label Sacred Bones Records nous a aussi gratifiés d'une compilation des premiers titres du groupe, intitulée un peu à tort Early Singles 1981-1982.

Early Singles 1981-1982 est en fait la réunion du single Schwarze Welt de 1981, qui contenait outre le morceau-titre Die Wolken et Großstadtindianer, et du single Incubus Succubus de 1982, sur lequel la chanson démoniaque était accompagnée de Zu Jung Zu Alt et de Blut Ist Liebe ; à ces deux singles sont cependant ajoutés deux rescapés qui sont le morceau Kälbermarsch, tiré de la compilation Lieber Zuviel Als Zuwenig réalisée en 1981 pour le label ZickZack, ainsi que le morceau live Allein, récupéré quant à lui sur l'enregistrement du Nosferatu Festival de 1982 au Danemark. Bel exercice d'archéologie, qui nous réserve d'agréables surprises !

On y découvre un Xmal Deutschland différent de celui qui s'est fait connaître par la suite. Les nappes de synthétiseur lancinantes qui porteront par la suite les mélodies du groupe ne sont pas encore là, la mélancolie n'est pas encore de mise, non plus que le son soigné que le groupe obtiendra plus tard chez le label 4AD ; à la place, on découvre ou redécouvre une batterie aux premières loges, furieuse et un peu brouillonne, des boucles électroniques froides et répétitives, une guitare beaucoup plus incisive et une Anja Huwe qui crie et scande bien plus qu'elle ne chante. On le sent, Xmal Deutschland restait alors très proche du punk. C'est primaire, virulent et imparable. On se déchaîne avec elles, surpris par cette énergie que le groupe a un peu perdu par la suite au profit d'autres qualités. Seul le court Die Wolken échappe à cette agressivité, ressemblant curieusement à une version à chant féminin de certains morceaux expérimentaux de DAF.

On se laisse notamment entraîner par le martèlement simple et jouissif de Großstadtindianer ainsi que par l'ambiance lugubre et envoûtante de Blut Ist Liebe avec son appel glacé. Cela dit, on ne va pas tourner autour du pot : la pièce-maîtresse de l'album, on la connaissait déjà et c'est bien évidemment Incubus Succubus, fort de son atmosphère effroyablement lourde construite par les guitares, la batterie et une collection de samples, au milieu de laquelle nous saisit le chant hanté d'Anja Huwe... Le titre reste probablement aujourd'hui encore l'un des meilleurs morceaux gothiques jamais écrits, on est ravi de le retrouver enfin entouré de ses frères. 

On remercie donc vivement Sacred Bones Records d'avoir exhumé des ténèbres ces morceaux, occasion non seulement de compléter notre connaissance de Xmal Deutschland mais aussi de découvrir pour celles et ceux qui ne la connaissaient pas déjà une autre facette du groupe, dont on s'éprend.