L'EBM est un genre où on a le droit d'être nostalgique. D'un côté, une colonisation toujours plus poussée par la techno ; de l'autre, des groupes comme DARKMEN ou STURM CAFÉ qui font de leur mieux pour ressusciter l'EBM des années 80, de façon souvent jouissive mais, par définition, peu innovante. Heureusement, il y a YOUTH CODE. Formé en 2012, le duo américain a montré sur son premier album éponyme (2013) qu'il savait cogner, dans un registre répétitif et dansant ; Commitment to Complications est son deuxième album, l'occasion de voir si le jeune groupe a transformé l'essai !
Mais mieux que cela, YOUTH CODE a décidé de nous surprendre. L'album s'ouvre en effet sur un morceau étrangement planant, (Armed) - on prend une seconde pour vérifier qu'on n'a pas inversé avec un CD de KRAFTWERK - , tandis que quelques sons mécaniques s'introduisent peu à peu dans cet instrument onirique... Et puis, comme il fallait s'y attendre, c'est la baffe. On enchaîne directement avec un morceau d'une rare violence qui est Transitions, tout en sons électroniques et industriels rapides et agressifs, auxquels donnent vie les hurlements rageurs de la chanteuse Sara Taylor ! Comme le titre le laisse penser, les paroles de ce morceau furieux traitent de transidentité, un thème jusque-là peu abordé. Le morceau suivant, Commitment to Complications, s'ouvre de façon tout aussi déchaînée et ne ralentit qu'à la fin, de façon lourde et menaçante. Manifestement, la rage de YOUTH CODE n'a fait que croître entre les deux albums !
YOUTH CODE sait cependant se montrer varié sur cet album : sur les morceaux suivants, le duo ralentit considérablement sa musique, qui est toujours basée sur des sons industriels, tandis que Sara Taylor continue à crier de révolte ; elle apparaît ainsi hurlant seule au milieu de la désolation... Ce sont The Dust of Fallen Rome, basé sur une alternance entre passages calmes et passages musclés mais qui peine finalement à décoller malgré une richesse de sons appréciable, et surtout Anagnorisis et Doghead, beaucoup plus lents, basé sur une montée en puissance saisissante. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises ! Se succèdent encore un morceau d'assaut court mais intense, Glass Spitter, l'angoissant Lacerate Wildly sur lequel même la voix de Sara Taylor ralentit pour susurrer d'un air menaçant, le très martial Avengement. Enfin, l'album finit au mieux avec Shift of Dismay, morceau violent au rythme cassé, puis on sort de l'album comme on y était entré : Lost at Sea est à nouveau un morceau planant, sur lequel Sara Taylor murmure d'un air fasciné, avant une montée en puissance dans laquelle on se sent se noyer... On vibre.
C'est donc un excellent album que nous offre YOUTH CODE, efficace et diversifié. L'enchaînement (Armed)/Transitions, Shift of Dismay et Lost at Sea sont pour ma part les morceaux qui m'ont le plus marqué. Surtout, Sara Taylor et Ryan George confirment sur cet album qu'ils ont un style bien à eux : les codes de l'EBM ne sont pas tout à fait respectés, YOUTH CODE est moins binaire dans ses rythmes, ses morceaux sont moins sobres quand on pense au style dépouillé d'un DAF, l'instrumental plus riche, et les vociférations de Sara Taylor ont bien peu à voir avec le chant froid et martelé de FRONT 242 et consorts ! Dans le même temps, le style du groupe est résolument industriel comme en attestent les sons employés, produisant un effet à la fois froid et dansant fidèle à ce que l'EBM a toujours été. Le groupe suit sa propre voie et il a bien raison !